Véronique travaille comme psychologue au Foyer de l’Espérance à Yaoundé, au Cameroun. Cette association oeuvre à la réinsertion des enfants de la rue. Un jour, elle a reçu une demande un peu particulière…

Il y a quelques mois, j’ai été sollicitée par un cabinet d’avocats situé en Angleterre, pour mener une enquête psychosociale. Ils défendaient une femme camerounaise partie en Angleterre six ans auparavant et qui s’y était installée. Elle avait laissé son fils au pays et elle  cherchait à ce qu’il la rejoigne. Son premier procès n’ayant pas abouti, elle faisait appel.

Les avocats me demandaient d’évaluer la situation de l’enfant sur place afin d’étayer leur dossier. Je suis donc allée avec Romuald, l’un des éducateurs du foyer de l’Espérance, chez la nourrice de Darshan. Mon collègue était chargé du côté social et environnemental et moi, du côté psychologique.devant maison

Quelle situation difficile pour cet enfant de neuf ans ! Depuis l’âge de 3 ans, il avait vécu chez différentes personnes, toujours étrangères à sa propre famille, espérant toujours rejoindre sa mère. Sa nourrice actuelle, une brave femme, très dévouée, anglophone (il a fallu se débrouiller avec un mélange d’anglais et de français !), vendeuse de éru (une feuille comestible), vit avec 2 autres enfants dans une petite pièce en planche, insalubre. Après m’être longuement entretenue avec cette femme puis avec Darshan lui-même (en français !), j’ai pu diagnostiquer une dépression infantile.

entretienAvec mon collègue, nous avons fait un bon rapport de 8 pages, avec photos à l’appui, concluant qu’il était préjudiciable pour cet enfant de continuer à vivre séparé de sa mère. De plus, aucune autre alternative ne paraissait possible. Son père est inexistant ; sa seule tante maternelle est instable ; ses grands-parents maternels sont âgés et malades. Nous avons aussi senti la nourrice épuisée par cet enfant gentil mais difficile : elle était obligée d’aller fréquemment le chercher à l’école à cause de ses maux de tête et crises de larmes, préoccupée par ses fréquentes insomnies, dérangée par ses caprices alimentaires…

Le procès a eu lieu quelques mois plus tard et nous avons eu la joie d’apprendre que la Cour d’Oxford a enfin accepté que l’enfant rejoigne sa mère. L’avocat m’écrivait que notre rapport a été l’un des éléments décisifs ! Actuellement sa maman s’organise pour venir le chercher à Yaoundé et Darshan a retrouvé le sourire et la joie de vivre !

Véronique