Le Cénacle, Thérèse de Villette

En ce temps de confinement j’ai pensé à un  autre confinement tellement ouvert au monde et à l’Esprit que j’ai eu envie de vous confier ce que j’ai vu et entendu des mystères de Dieu avec Marie.

Quelle est donc cette femme qui aimante le groupe de Jésus ? Ils sont là les onze avec Marie Mère de Jésus, quelques femmes et des disciples dans une maison près du mont des Oliviers. C’est la communauté de Marie qu’elle a convoquée pour une retraite préparatoire à un événement annoncé par Jésus. Où ? Quand, Comment ? Personne ne le sait encore :  comme tout ce que Jésus fait, c’est inédit, difficile à prévoir, mais certainement heureux.

En fait chacun doit retourner au travail pour faire vivre les familles des uns et des autres et la communauté, mais ils se retrouveront régulièrement, peut-être chaque soir. Les femmes préparent pour ceux qui restent, ou pour le repas commun du soir. A la veillée, ils demandent à Marie de leur raconter son itinéraire spirituel, comment elle a vécu cette fameuse alliance de Dieu avec son peuple. Ils sont tous assis autour d’elle subjugués par son visage paisible que la douleur des semaines précédentes a particulièrement buriné. Elle prend le temps de regarder chacun. Elle l’accueille tel qu’il est non sans humour, Pierre le fougueux, Jean le tendre et Jacques le fulgurant, les fils du tonnerre, André, Philippe et Thomas dont la moue est encore un peu perplexe, Barthélemy et Mathieu dont elle évoque avec sympathie les fréquentations un peu douteuses, Simon et Jude. Avec les femmes qui l’ont soutenue jusqu’au bout elle est de connivence et sait quelle passion les anime. Elle est venue aussi avec ses frères, les cousins de Nazareth sans doute. Tout ce petit monde doit vivre ensemble la même attente. Elle l’anime tout naturellement de sa présence, et le pacifie, car il y aurait de quoi avoir peur : à l’extérieur, certains sont étiquetés comme les amis de ce Jésus dont on s’est débarrassé.

La réunion commence. Ils écoutent attentivement et posent des questions. Marie leur confie le plus intime de sa vie qu’ils ignoraient. Elle présente avec grand respect cette immense plénitude qu’elle a éprouvée lorsqu’elle a dit oui à l’ange Gabriel, tout son corps en a été bouleversé : mystère de Dieu s’unissant à l’humanité. Action inouïe de cet Esprit que Jésus a annoncé. Un silence d’adoration répond à sa confidence. Tous se prosternent. Puis elle raconte avec quelle détermination elle a osé se mêler à une caravane de voyageurs pour Ain Karim, la joie de sa cousine et d’elle-même s’embrassant pour se saluer lorsque le petit Jean a sauté d’allégresse dans le ventre de sa mère. Tous rient de bon cœur. Elle confie l’angoisse de Joseph, et la force qui l’a mis debout pour prévoir la naissance malgré l’édit de César Auguste, louer un âne et tout et tout… Elle évoque discrètement les douleurs de l’enfantement, les secousses de la monture, le froid, les mépris et les refus des hôteliers, la découverte de la grotte et finalement la naissance dans la paille bien arrangée par son mari. Quelle joie ! Toute l’assemblée revit la scène à la crèche et la contemple dans le regard de Marie. Ainsi de récit en récit tous se familiarisent avec les mystères joyeux.

D’autres soirs, ce sera aux onze de raconter leurs émotions, leur émerveillement et leur louange pour les gestes de Jésus. Ils font écho les uns et les autres avec enthousiasme à ses paroles, comment la foule était touchée. Marie soulignait sa relation au Père en rappelant la réplique de son jeune adolescent « ne faut-il pas que je sois aux choses de mon Père », et Jean soulignait comment son visage s’éclairait, lui la vérité. Quant à Mathieu il faisait un rapprochement avec la prophétie d’Isaïe « le peuple qui marchait dans la nuit a vu une grande lumière ». Mystères lumineux. Le chant du psaume 66 jaillit « Tous les peuples bénissez le Seigneur, louez-le, chantez-le, alleluia ! »  Pierre se lève « Il nous faut annoncer tout cela ! » « Bien sûr, répond Marie, mais attend un peu. Tu sais que seuls nous sommes incapables de tenir fermes.  Jésus a parlé d’un Défenseur ».

Un autre soir, Marie ne mâche pas ses mots. Nous serons attaqués, persécutés à cause de lui. Les autres renchérissent et se rappellent comment,  faisant route avec Jésus, ils ont senti gronder autour d’eux la jalousie des Grands qui lui en voulaient. D’ailleurs le Maître ne les ménageait pas. Qu’est-ce qu’il a pu leur envoyer comme vannes ! Alors l’assemblée se fait grave et les femmes racontent la passion. Elles se cachaient et suivaient tout. Madeleine est prolixe mais Pierre baisse la tête, et les autres hommes aussi parce qu’ils ont tous fui. Jean regarde le visage de Marie et se souvient… au pied de la Croix. Mystères douloureux. Une prière d’intercession s’improvise à la fois pour demander l’Esprit de force et pour implorer pour les responsables de cette injustice et cruauté…

La retraite se poursuit. Ce soir c’est plutôt l’ambiance de fête. Les femmes sont déchaînées, elles dansent et entraînent les hommes. On chante et on scande le grand Hallel, les merveilles de Dieu pour son peuple et la victoire de la Pâque « car éternel est son amour » « Jésus est ressuscité ! Alleluia ». Chacun cette fois l’affirme à sa façon, et partage, comment après tant d’hésitation, la paix du Ressuscité a réchauffé son cœur. Marie est transfigurée de grâce. Pleine de grâce, bénie entre toutes les femmes.  Le groupe la porte en ovation et improvise une litanie de qualificatifs. Marie se laisse faire puis redemande le silence. « Gardons toutes ces choses dans notre cœur et ouvrons grand notre désir à cet Esprit qui vient. Les Mystères glorieux commencent.

Thérèse de Villette