Marie-Hélène, en communauté à N’Djamena (Tchad) dédie ce texte à tous ceux pour qui le temps semble long…

A ceux qui sont confinés pour cause de pandémie, de maladie, à ceux qui vivent en maison de retraite, ou en maison d’arrêt, à ceux qui sentent parfois durement la solitude, à ceux qui voient cruellement le temps passer et qui sont dans l’incertitude du lendemain.

Certains jours, voyez vous, le temps semble un peu plus interminable encore.
Certains jours, coincée entre 4 murs, dépendante d’autrui pour la nourriture, les soins, un minimum de rencontre humaine, le temps me dure.
Suis-je dans une cellule de moine, celle où tout, absolument tout, peut se partager avec mon Dieu, depuis le ménage des quelques mètres carrés de ma tanière, jusqu’à l’intime de mes pensées ?
Suis-je dans une chambre de malade, clouée sur un lit d’hôpital, avec toute une pharmacopée et la patience pour gardiennes de mes jours ?
Suis-je dans cet univers qui s’est rétréci comme peau de chagrin depuis mon entrée en maison de retraite, sans pouvoir sortir, préparer un repas, faire une petite course ?
Suis-je devant mon ordinateur en quasi-permanence, assignée à résidence pour faire du télétravail l’essentiel de mon temps ?
Suis-je dans une cellule d’isolement, celle de la punition suprême en milieu carcéral, enfermée dans ma tête?
Ou suis-je simplement en ce lieu, pour un temps que je ne maîtrise pas, mais où quelque chose m’est proposé de vivre ?

Au fil des jours, je découvre que cet espace-temps pourrait peut être devenir une rencontre, plus vraie, plus dépouillée, avec moi-même, l’occasion de faire un peu de ménage, de prise de conscience au sein de ma vie.
Ces gens que j’ai oubliés, négligés, ces engagements pris et abandonnés au détour du chemin, ce don de moi dans la prière pour autrui que j’ai sous-estimé, cette écoute profonde de ce qui se dit dans l’entrecroisement des événements et des Saintes Écritures, cette artiste qui sommeille en moi, en attente de se réveiller…
Au fil des jours, je découvre que je suis attendue ici, pour y laisser entrer la lumière, car je sais aussi que c’est ainsi qu’elle entre dans le monde, en pénétrant les âmes, en se logeant dans les interstices des heures, si on la laisse faire.
Je suis seule en ce lieu, en ce temps, mais au fait n’est-ce pas la condition de tout un chacun ? Même parmi les autres, la solitude est inscrite dans la liberté de dire ou de se taire, d’agir d’une manière ou d’une autre, d’éprouver la joie, la tristesse, ou toute autre émotion.
En ces temps que je traverse comme quelques sept milliards de voisins, une commune humanité se cherche. C’est ce qu’on dit, mais c’est un beau défi qu’aujourd’hui je veux essayer de relever. En espérant ne pas l’oublier demain.

Bonne journée, finalement ! Et à celui ou celle qui me lira, bonne journée aussi !

Marie-Hélène Dupré La Tour