Thérèse Verger vit depuis six ans à Abobo, une commune périphérique d’Abidjan, mal viabilisée. Elle y côtoie beaucoup de gens sans ressources. Avec eux, les rencontres sont fortes et la font cheminer, nous explique-t-elle.

« Mariam, tu en reçois, toi, des grâces de Dieu dans ta vie ? »

Mariam est ma voisine à Abobo, et ce lundi soir nous partageons à partir de l’évangile : « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants » (Lc 20,28).
« Trop même ! me dit-elle. Je me suis réveillée ce matin en vie, j’ai mangé à ma faim, j’ai vendu aux enfants le placali (une pâte de manioc fermentée), j’ai fait ci, j’ai fait ça… Si je dois payer à Dieu tout ce qu’il me donne, je ne peux pas !… »

Je l’ai écoutée, en me disant : ça doit être un peu ça, la force des plus petits, une joie simple d’être vivante au plus près des siens, au plus près d’autres plus petits, ces enfants qui l’appellent « Maman Placali ».
Je l’ai écoutée, en me disant : ce que j’entends là, ça doit être « la sainteté de la porte d’à côté » dont parle le pape François.
Je l’ai écoutée en essayant de m’imprégner de sa joie simple, pauvre, vraie et dépossédée de toutes fioritures.
Je l’ai écoutée et elle a fait résonner en moi ces joies simples que j’avais reçues durant toute la journée : oui vraiment j’ai de quoi dire merci !

Puis-je dire que Mariam m’a évangélisée ? Ce qui voudrait dire qu’elle m’a rendu à sa façon l’Évangile vivant dans mon quotidien.
Il n’y a pas de doute. Dieu est le Dieu des vivants, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, Dieu de Mariam et Dieu de…

Ce matin je lis un commentaire de P. Houzet sur un autre passage de Luc (17, 1-10). Il réécrit à sa façon ce passage d’Évangile :

« Si, avec le peu de foi dont vous vous plaignez, vous pouvez obtenir un résultat impensable, à combien plus forte raison, avec ce même peu de foi, vous pouvez aussi accomplir parfaitement votre vocation de serviteur en trouvant dans son simple exercice votre satisfaction totale sans attendre de manifestation de bienveillance spéciale du Maître ».

Mariam a-t-elle lu ce commentaire ? Sûrement pas, elle est analphabète. Elle le vit simplement dans le silence du grouillement de la vie d’Abobo.

La proximité avec Mariam et tous les autres me fait comprendre la force de la vie sans détour, qui sait se réjouir du trésor du quotidien qui pourtant n’a rien d’enviable.

Les pauvres sont les experts en Résurrection, dit François Odinet dans son livre Les premiers ressuscités.

Ils sont aussi ceux qui empruntent sans le savoir le chemin vers Celui qui s’est fait tout petit.

Que ce temps de l’attente qu’est l’Avent nous donne de Le reconnaître dans notre quotidien.

Découvrez cette vidéo des xavières d'Abobo !