Dans l’évangile de la Transfiguration, lu les deuxièmes dimanches de Carême, les disciples restent à la fin avec Jésus seul. Dans ce dessin à la plume, Rembrandt rend ce moment particulièrement intense.
Par Geneviève Roux, xavière
Je regarde l’image
Ce qui me retient d’abord, c’est la simplicité et la lisibilité de l’image, la vigueur des traits.
Un grand personnage dresse sa verticale au plein centre de l’image qu’il divise en deux parties contrastées. A sa longue tunique, ses cheveux longs et sa courte barbe je reconnais Jésus le Christ.
Dans la partie de gauche, au-delà d’une butte, s’ouvre un vallon dans lequel un laboureur guide ses bœufs. Derrière lui un rideau d’arbres, puis un nuage vertical tournoyant, comme celui d’une tornade qui ouvre un grand espace calme.
Le quart droit de l’image avec ses quatre personnages attire toute notre attention. Ils sont inscrits dans un triangle.
Au centre le premier, agenouillé s’appuie aussi sur ses coudes, tient sa tête enfouie dans ses mains. A côté, de profil, un barbu prend appui sur ses mains et lève le regard vers Jésus. Le dernier nous fait face. Les mains sur le cœur comme dans une grande émotion. Il semble prendre appui pour se mettre debout. Son buste amorce un mouvement de recul.
Rembrandt a saisi le moment précis après la Transfiguration où, nous dit le texte, « Il n’y a plus que Jésus seul » (Lc, 9,35).
Je médite
Comme après une tornade, c’est le calme. Pierre, Jacques et Jean viennent de vivre une expérience extraordinaire. Jésus s’entretenait là, devant eux, avec Moïse et Elie et ils ressentaient un grand bonheur à être ainsi avec eux, au point de vouloir y demeurer toujours.
Et cette expérience leur a fait vivre un cheminement intérieur très fort. Sur les icônes orientales la position des corps des apôtres manifeste le retournement qu’ils sont en train de vivre.
Rembrandt a gardé à ses personnages ces attitudes de conversion. Ceux qui font du ski connaissent la figure ainsi nommée qui permet de se retourner en pleine pente et face au vide pour changer de direction. Totalement « retournés » ils vont ils vont vivre un attachement plus fort au Christ.
Je prie
Je peux me dire : « Quelle chance ont eue Pierre, Jacques et Jean ». Mais ne m’a-t-il pas été donné à moi aussi de vivre des moments de conversion profonde, de rencontre du Seigneur ?
L’expérience spirituelle est intérieure, elle peut être «de nuit » comme dit Jean de la Croix, elle peut se dire « dans un bruit de fin silence » ainsi qu’Elie l’éprouva à l’Horeb, elle peut nous faire goûter des larmes de joie à l’instar de Blaise Pascal dans sa nuit de feu.
Elle nait du lieu de notre désir profond.
Pendant ce carême je demande au Seigneur de m’aider à trouver le silence dans lequel je pourrai entendre sa voix.
Évangile de la Transfiguration (Lc 9,28b-36)
Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.
Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.
Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »
Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
