L’évangile du fils prodigue met en scène deux frères et leur père. Cette parabole a donné lieu à de multiples représentations. Dans ce vitrail de Bourges, l’artiste montre le désir du père de voir ses deux fils réconciliés.
Par Geneviève Roux, xavière

Je regarde l’image
Elle est sobre : trois personnages, trois couleurs, (jaune, rouge, blanc et le vert des chausses de l’homme de droite) sur le fond bleu du vitrail.
Dans le déambulatoire de la cathédrale de Bourges ces trois personnages sont placés en haut d’un vitrail de cinq mètres. A cette hauteur on ne peut voir que des lignes simples.
La lecture d’un vitrail se fait, sauf exception, de bas en haut. Si une histoire est racontée, elle débute dans les médaillons inférieurs pour se terminer au sommet. Nous sommes donc ici à la fin de la parabole du Fils Prodigue.
A gauche, le personnage vêtu de jaune porte des chausses vert bouteille, il tient sur son épaule un outil qui semble lourd, une houe ou une hache comme un paysan qui revient des champs. Au centre, un homme à la courte barbe est habillé d’une belle tunique pourpre à l’encolure dorée. Le dernier personnage, lui, a revêtu une longue robe blanche.
Il semble que le personnage du centre veut entrainer ses compagnons dans une danse. Le plus jeune, malgré sa moue, entre dans le mouvement mais celui de gauche se cabre et refuse d’approcher. Il défie du regard le maître du ballet.
Je regarde les mains. L’homme du centre tient fermement au poignet la main du jeune homme en blanc. C’est le geste du Christ vis-à vis d’Adam et d’Eve dans les icônes de la Descente aux enfers.
Le fer qui soutient le vitrail nous cache en partie la main de l’homme en jaune, mais le recul de son corps, la moue de son visage exprime son refus.
Que veut faire celui qui tient ces deux mains ? Simplement les unir.
Nous sommes à la fin de la parabole du Fils prodigue : « Un homme avait deux fils ». Nous connaissons bien ce qu’a fait le premier et comment il est revenu vers son Père ; nous savons aussi combien l’aîné est jaloux et rempli de colère vis-à-vis de son frère.
Mais la scène que nous voyons ici n’est pas mentionnée dans la parabole. L’artiste interprète librement. Il nous montre le désir fou du Père de voir ses fils réconciliés. Entre colère et crainte comment trouver le chemin de la fraternité ?
Je médite
« Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. » La jalousie, comme une bête tapie à la porte du cœur, dévore le fils aîné. Elle traverse tous les récits de la Bible où des frères doivent vivre ensemble. Elle va jusqu’au meurtre pour posséder leurs biens. Elle traverse nos vies personnelles et la vie du monde entier dans des guerres sans cesse renaissantes. Et malgré son désir le Père ne parvient pas à réunir les mains de ses enfants contre leur volonté. Il ne peut faire danser celui dont tous les muscles sont crispés dans le refus.
Je prie
Qui suis-je Seigneur ? Suis-je le cadet, revenu de si loin mais apeuré devant la violence de son aîné ? Ou bien la jalousie a-t-elle pris possession de mon cœur ?
Pour guérir de la jalousie pas d’autre chemin que la louange. Seigneur, donne-moi de « bénir » chacun de mes frères et sœurs, de leur vouloir du bien. « Il fallait festoyer et se réjouir car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! » Que la fête commence.
Évangile du Fils prodigue (Lc 15, 25-32)
Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.” Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service
sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !” Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé !”