Dans son tableau « Les saintes femmes au tombeau », Maurice Denis nous fait pressentir que l’apparition du Ressuscité se réalise dans notre aujourd’hui.
Par Geneviève Roux, xavière
Maurice Denis – Saintes Femmes au tombeau (Matinée de Pâques) – Musée du Prieuré, Saint-Germain-en-Laye
Je regarde l’image
La lumière dorée d’un petit matin de printemps illumine les façades des maisons aux toits de tuile. Elle auréole les personnages et souligne les pentes douces des collines. Notre regard se perd au loin dans ce paysage où les courbes dominent. Au second plan une barrière losangée dessine un jardin clos par une haie de buissons roux et de branches enlacées
Au premier plan, deux groupes de personnages se font face, tous sont vêtus de blanc, un tissu fluide de mousseline ou d’organdi comme autrefois les robes de premières communiantes.
A droite, trois femmes à la tête couverte tiennent les yeux baissés vers le sol. Face à elles, deux silhouettes de profil lèvent leur main droite, paume ouverte, comme pour les inviter à lever les yeux. Leur épaule gauche ébauche une forme d’aile : sont-ils des anges ? Une petite fille à la longue tresse ajoute une note d’enfance. Derrière elles un jeune arbre au double tronc déplie quelques feuilles du même roux que les arbustes à son pied. Est-ce l’automne ? Mais derrière lui, la blancheur des arbres en fleurs annonce le printemps.
Les personnages du premier plan ne semblent posés là que pour encadrer la scène qui se déroule dans le jardin, sous l’arbre au centre du tableau. Une silhouette debout, auréolée et vêtue de lumière, ébauche un geste vers une forme agenouillée à la robe bleu sombre.
Elles nous évoquent un autre tableau : la fresque de Fra Angelico au couvent saint Marc de Florence. Un arbre se dresse à la même place devant la clôture du jardin.
Mais nous sommes à Saint-Germain-en Laye, dans le cadre familier du jardin du « Prieuré » où habitait Maurice Denis. Celui-ci, à la manière surréaliste, mêle volontairement les époques. Dans ce jardin du 20ème siècle il fait apparaitre Jésus et Marie de Magdala et aussi les femmes qui vont au tombeau. Par ce « collage » il nous dit : « L’apparition du Ressuscité à Marie de Magdala c’est aujourd’hui, c’est dans ton jardin qu’elle se réalise. »
Ce jardin de Pâques est celui de la nouvelle création. Les deux anges qui viennent à la rencontre des femmes en blanc m’invitent à me mettre en chemin avec elles pour « aller au- devant de Celui qui vient ».
Je prie
Seigneur, fais-moi entendre la voix des anges sur le chemin : « Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ?… Il est ressuscité ! »
Fais-moi entendre ta voix dans le jardin. Tu prononces mon nom et cela suffit. Que je sache te répondre « Rabbouni ».
Récits d’apparition
Deux évangiles inspirent ce tableau.
Évangile de Luc – 24, 1-10
« Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, les femmes se rendirent au tombeau, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau. Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Alors qu’elles étaient désemparées, voici que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant. Saisies de crainte, elles gardaient leur visage incliné vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée : “Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.” » Alors elles se rappelèrent les paroles qu’il avait dites. Revenues du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. C’étaient Marie Madeleine, Jeanne, et Marie mère de Jacques ; les autres femmes qui les accompagnaient disaient la même chose aux Apôtres. »Évangile de Jean – 20,1-9
« Cependant Marie se tenait dehors près du sépulcre, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se baissa pour regarder dans le sépulcre ; et elle vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds. Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur répondit : Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que c’était Jésus.Jésus lui dit: Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? Elle, pensant que c’était le jardinier, lui dit: Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je le prendrai. Jésus lui dit: Marie! Elle se retourna, et lui dit en hébreu : Rabbouni ! c’est-à-dire, Maître ! Jésus lui dit: Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur, et qu’il lui avait dit ces choses. »
