Voir, entendre, goûter, toucher, sentir : autant d’actions que nous pratiquons chaque jour sans en avoir conscience. Et si nous prenions le temps de nous rendre présents à nos sensations en nous ouvrant ainsi aux dons de Dieu ?
Nos sens : des fenêtres ouvertes sur le monde
Par nos cinq sens, nous entrons en contact avec notre environnement extérieur. Ils sont comme des fenêtres ouvertes sur le monde. Ils nous permettent de communiquer.
Grâce à nos yeux, nous voyons ce qui nous entoure, nous distinguons les couleurs, les formes, la nuit et la lumière, les ombres et le soleil, nous reconnaissons nos proches aux traits de leur visage.
Grâce à nos oreilles, nous percevons le bruit, la musique, les sons et les conversations, le silence… et nous entrons en relation avec autrui.
Grâce à notre langue et nos papilles, nous apprécions le goût des aliments, le sucré et le salé, le doux et l’amer, l’acide ou le sirupeux.
Grâce à notre peau, nous nous situons dans la proximité des choses, des êtres, des animaux, de la nature. Nous embrassons, nous caressons, nous touchons, nous établissons le contact.
Enfin, grâce à notre nez, les parfums n’ont plus de secret pour nous : fleurs, vins, effluves de l’océan, neige azotée, beurre de karité, sous-bois en automne, fleur d’oranger, etc. Bonnes et mauvaises odeurs nous parviennent sans que nous puissions les chasser. Elles pénètrent en nous, nous imprègnent et parfois nous enivrent. L’odorat est un sens de la proximité.
Sens et expériences
Cette perception sensorielle de l’univers, qui prend racine dans notre sensibilité, est celle de nos premières années de vie. Nous ne l’avons jamais abandonnée, même si nous avons mis en place depuis une approche plus rationnelle du monde. Elle demeure un socle archaïque qui nous permet d’emmagasiner de multiples impressions, car nos sens font appel à notre mémoire. Nous gardons en nous-mêmes des images, des sons, des odeurs que nous relions à certaines expériences.
En fait, nos sens sont des réalités complexes. Comme toute dimension symbolique, ils sont ambigus. S’ils nous ouvrent sur le monde, ils nous le font percevoir aussi de manière partielle. Nos sens sont trompeurs, ils peuvent nous asservir, nous aliéner et nous tenir prisonniers. Ils sont le lieu d’une possible convoitise, captation, gourmandise, d’un possible jugement sur les autres à partir de ce que nous percevons d’eux.
Pour ne pas nous laisser prendre par l’extériorité et pour trouver une liberté intérieure, nous avons à exercer vis-à-vis d’eux une certaine maîtrise de nous-mêmes, véritable travail intérieur jamais achevé, à vivre patiemment sans volontarisme, simplement pour devenir plus humains. C’est le travail de la prière. Dans la contemplation, nos sens se simplifient et ils se purifient. Ils nous rendent plus ou moins proches du mystère que nous contemplons.
Prier avec les sens
Nous vous proposons ce petit exercice pour prier avec les sens.
Les yeux fermés, le corps ancré dans le sol, je prends conscience de ma respiration et à chaque souffle inspiré puis expiré, je me rends un peu plus présent aux sensations de mon corps : lourdeur ou légèreté de mes membres, contact avec un habit, une surface…
Puis je laisse les sons venir à moi, sans me tendre, sans chercher non plus à les nommer. Je les laisse entrer en moi et se déployer en moi.
J’ouvre les yeux, puis les referme rapidement ; quelles formes, quelles couleurs restent imprimés en moi ? Je répète l’exercice plusieurs fois, en tournant la tête pour découvrir autrement ce qui m’entoure.
Y a-t-il une fleur de laquelle m’approcher ? Ou une autre odeur à respirer dans mon environnement proche ou à quelques pas ?
Je tends la main, la regarde, puis la pose sur mon vêtement, sur un meuble, sur le mur, par terre : je peux fermer les yeux pour mieux sentir la texture et la matière.
Y a-t-il quelque chose que je puisse goûter ou boire ? Je le fais lentement. Une toute petite quantité dont je laisse tous les arômes et la texture se déployer dans mon palais.
Au terme de ce petit exercice, comment je me sens ? Qu’est-ce qui me reste comme sensation dans mon corps, quelle impression dans mon cœur ? Qu’ai-je préféré ?
De tout cela je parle à Dieu. Je le remercie pour ces sens qu’il m’a donnés. Et selon le bienfait reçu, je peux décider de refaire l’un ou l’autre de ces exercices régulièrement afin de me rendre plus présent à la réalité qui m’entoure et par laquelle, comme toute réalité de ma vie, Dieu me rejoint.