En décembre 1925 il y aura cent ans en que cette maison, perdue dans les collines du Lubéron, est devenue la maison des xavières. Cent ans aussi qu’elle tient une place bien particulière dans le cœur de celles qui s’y sont succédées… Geneviève Roux, xavière depuis plus de 60 ans, nous partage ce que cette maison représente pour elle.
La Pourraque : une « maison de naissance »
En cette fin de juillet 2025, je participe pour la soixante-cinquième fois aux journées communautaires à La Pourraque. Ce qui me saisit d’abord c’est la joie des rencontres : Marie-Noëlle et Blandine arrivent de Toronto, Thérèse, Nicole, Bénédicte d’Abobo, Grâce et Edwige d’Angré, Monique et Véronique de Korhogo, Bénédicte de N’Djamena… et tant d’autres de Marseille, Toulouse, Créteil, Nice, La Rochelle…et bien sûr Paris. Ce n’est pas le monde entier, mais c’est le mien, le nôtre.
Ces journées sont pour nous l’occasion d’échanger : par petits groupes ou en grande assemblée, au cours des repas ou en marchant dans les collines, par deux ou trois dans les fauteuils de la salle verte ou en remontant à La Brégonnière… Cette circulation de la parole nous procure grande joie et resserre nos liens.
C’est aussi le temps « d’écouter la nouvelle », d’entendre Laurence, notre responsable générale faire le point sur la vie de notre groupe et ouvrir l’année qui vient.
Des célébrations joyeuses et graves tout à la fois rythment ce temps. Lorsque flûtes, violons, guitares et tam-tam accompagnent les voix, les cœurs aussi vibrent ensemble.
Cette année au cours de l’une de ces célébrations j’ai été profondément touchée par l’évidence que nous formons véritablement un Corps. « Unies par des liens si forts que le Christ seul a forgés » écrivait Claire Monestès notre fondatrice. Une pulsation de vie nous traverse et nous façonne (pas un règlement ou une structure même s’il en faut). Nous sommes liées ensemble par l’Esprit qui nous habite et c’est un lien très profond.
Et en même temps il m’est apparu que le développement de ce Corps doit beaucoup à ces rencontres d’été de la Pourraque au fil des ans. Au point que cette maison devienne, comme l’écrit Marie-Christine :
Une maison de naissance
Où l’on est accueilli dans sa fragilité
Où la vie est transmise, accompagnée
Un abri contre les grands vents de tempête.
Seuls les murs pourraient dire, s’ils savaient parler, combien de naissances sont advenues au long de ces 100 ans.
Mais certaines xavières s’en sont fait l’écho. Écoutons-les !
« La Pourraque, pour moi, c’est « ma terre », la terre où j’ai plongé mes racines, où je puise la sève qui me fait vivre, où je vis la fraternité toute simple de xavières, où, en fait, je me ressource, à tous points de vue. Je suis venue la première fois à la Pourraque, comme aide-monitrice dans une colonie de vacances organisée par les xavières que je ne connaissais pas. A la fin de la colonie, je savais que je serais xavière. C’était en 1958, j’avais 15 ans et demie… et depuis, j’y reviens chaque année…et chaque année c’est pour moi une joie, la joie de revenir sur « ma terre » comme on revient dans son village. » Marie-Cécile
« Pour moi, la Pourraque c’est ma maison, notre maison, la maison du Bon Dieu. C’est là que j’ai connu les xavières et que j’ai été séduite par le côté familial, l’accueil ouvert et attentionné à chacun, la beauté et la simplicité du lieu… Je me dis que même le Bon Dieu doit se sentir en famille ici ; il y vient discrètement sous les traits des gens de passage (amis, familles, groupes, prêtres, retraitants…), des xavières qui viennent s’y ressourcer et s’y réunir, de celles qui y habitent… Il doit bien apprécier les apéros et les fêtes en toute occasion, le silence de la campagne, les lavandes, immortelles, oliviers et vignes qui portent fleurs et fruits en leur temps… » Mireille B.
« Si tes pierres pouvaient parler, elles raconteraient… les premiers commencements, un certain triduum de Pâques avec Didier Rimaud, avril 1985 ! Éblouissement, confirmation, décision d’entrée à La Xavière ! Le travail d’engendrement au Christ, à La Xavière, au monde de retraites en retraites, de triduums en triduums, de journées communautaires en journées communautaires, de chapitre en chapitre, d’élection en élection… Terre d’enfantement, terre d’alliance, terre de mes plus grandes louanges, terre de mes premiers amours et de mon engagement pour toujours ! » Anne K.
« La Pourraque, c’est le lieu où ma vocation xavière a pris racine en moi, à l’occasion de ma retraite d’élection en août 1998. Depuis, chaque séjour ravive en moi quelque chose de ce mouvement si simple et si radical en réponse à l’appel du Christ : « Laissant tout, ils le suivirent » (Luc 5,11) » Laurence
« La Pourraque, pour moi c’est la rencontre des autres xavières, plus encore qu’un lieu de vacances.
C’est aussi le berceau de ma vie religieuse, car j’y allais souvent lorsque j’étais jeune professe à Marseille. C’est un des lieux historiques de La Xavière. » Christiane
« A la Pourraque, je suis chez moi, je suis vraiment chez moi. Oui, la Pourraque est le seul lieu de La Xavière où je peux dire : « ici, je suis chez moi, chez nous ». Je m’y sens chez moi et j’y suis effectivement chez moi comme l’on se sent chez soi dans sa maison familiale. A la Pourraque, je revis et vis pleinement car tout dans ce lieu me donne et redonne vie. Quand je me suis retrouvée devant la grande porte de la Pourraque, le matin, venant directement de Marignane avec Emmanuèle avec qui j’avais fait le voyage Abidjan-Marseille, je me sentis chez moi. C’est comme si je connaissais ce lieu et y avais toujours vécu. J’étais chez moi, arrivée à la maison. C’était donc là que le Seigneur m’attendait ! Même fermée, la grande porte de la Pourraque m’accueillait. Quand elle s’est ouverte, la joie immense que j’ai éprouvée ce matin-là, continue de m’habiter encore chaque fois que je retourne à la Pourraque. A la Pourraque, je suis chez moi. Il me suffit d’être à la Pourraque et c’est bon. » Fatou
La Pourraque : « une maison pour tous »
La maison des xavières c’est aussi une maison aux fenêtres ouvertes, une maison qui accueille au fil des jours et des occasions.
Une maison qui fait le plein de xavières, amis et familiers à l’occasion de vœux, sessions ou autres projets. Une maison qui vit au rythme des saisons et des célébrations, résonnant de rires et de chansons, d’accueils et autres discussions.
« C’est aussi en son sein, cette chapelle qui se pare de silence, quand chacune vient déposer aux pieds du Christ de bois sculpté l’offrande de son existence, cherchant en elle, en Lui, ce point de résonance qui l’invite, l’appelle et déjà la devance. » Brigitte.
Qui dira tout ce qui s’y passe ?
Les propositions spirituelles pour tous, celles dont nous avons hérité, celles que nous avons imaginées : retraites chantier, haltes spirituelles, WE familles, triduum de Pâques, week-ends cinéma, journées « espaces verts », fête de l’olive… La créativité au service de l’expérience spirituelle.
Des retraites spirituelles
Les Exercices spirituels de saint Ignace y sont vécus sous diverses formules : 30 jours, 8 jours, à la carte, avec accompagnement personnel… L’oliveraie, la vigne, la forêt de chênes verts et de pins l’absence de barrières offrent un grand espace pour « élargir sa tente ». La chapelle de pierre et de bois invite au recueillement.
« Et au milieu
Le Christ
Silencieux
Se tient
Surgi
Sous la gouge du sculpteur
Du bois qu’on croyait mort
Élan, jaillissement de vie
Pour ceux et celles
Qui viennent là
Déposer leur fardeau Et trouver le repos
Puisant l’audace
D’aller plus loin. » Colette
Des week-ends « Prendre le temps »
Pour ceux et que les tâches quotidiennes épuisent ou disperse, Monique et d’autres ont créé des week-ends « prendre son temps. »
« Joie d’y accueillir tous ceux qui venaient boire à cet abreuvoir, chacun selon sa soif. J’ai eu toujours beaucoup de goût à accueillir des personnes loin de l’Église mais habitées d’une grande soif spirituelle. C’est là que j’ai débuté les activités spirituelles : les week-ends « prendre le temps », les accompagnements qui complétaient ceux que je faisais avec les personnes alcooliques en Haute-Provence. Ce sont les partages avec les personnes accueillies qui m’ont amenée progressivement à proposer des exercices spirituels avec le corps, puis avec les 5 sens. » Monique
Des célébrations pascales
Depuis 50 ans, la semaine pascale et surtout les jours saints voient xavières, voisins, amis… se rassembler pour « célébrer la Pâque ». Prière personnelle et communautaire, ateliers, partage de la Parole, célébrations à la Pourraque ou dans les paroisses des alentours, repas…
« Printemps. Renaissance. Les fleurs, les odeurs, à nouveau les couleurs. La brise et la fraîcheur du matin. Le soleil et la caresse de l’après-midi. Au cœur de cet éveil, la Rencontre. L’Autre qui se dit. L’Autre qui se vit. » Laetitia
Des week-ends famille
Prendre le temps de vivre, respirer, prier, marcher, jouer le temps d’un week-end ; découvrir que Dieu fait partie de la famille… C’est cela un « week-end famille ».
Et La Brégonnière ouvre ses portes pour le permettre.
La fête de l’olive
Cueillette, pique-nique, partage. Chaque année quand vient l’automne, c’est un rendez-vous joyeux, dans l’oliveraie sur la colline.
et aussi…
Des retraites chantier, des journées « espaces verts » pour faire vivre « Laudato Si' »,
Des week-ends cinéma, des tables ouvertes,
Des haltes « jeunes professionnels » : quelques jours au vert et un week-end de ressourcement « à la carte ». Au programme : prière, télétravail, partages, balades, rencontres.
Et pour que vive tout cela, une communauté
Depuis 1975, une communauté réside toute l’année à la Pourraque.
« Une communauté de 12 dans cette grande maison à y vivre, à faire vivre aussi. Arrangements intérieurs, extérieurs, des projets d’avenir en réflexion. Permettre à chacune de s’y sentir bien, ainsi que ceux de l’extérieur. » Germaine
« J’aime ce que les murs et meubles de la Pourraque disent de celles qui, au long des années, l’habitent : le soin de l’entretien, les travaux entrepris. Je dis merci à toutes celles qui œuvrent discrètement pour que ce bien perdure, pour le bien commun des xavières, offert à beaucoup. » Véronique R
« Et bien sûr il y a les liens tissés avec le village et les alentours : les amis du village, les parties de tarot du vendredi soir, la fête des lacs en septembre, les réunions de l’APPEI, la préparation des empanadas, de l’anchoïade et des crêpes. » Anne-Laure
« La Pourraque, pour moi, c’est l’odeur du thym et du romarin au petit matin,
Ce sont les braiements des ânes,
Les enfants sur le rebord du bassin à regarder les poissons, le jour des vœux.
C’est la lourde porte d’entrée que l’on retient à temps,
C’est attendre le soleil levant dans le couloir du passage.
C’est la salle verte qui se transforme en salle de fêtes.
C’est le silence des personnes en retraite, l’envoi en mission.
Par-dessus-tout, c’est ce cher nid que Claire veut que nous gardions pour toujours pour accueillir tout le monde. » Marie-Noëlle Chaumette
