L’alphabétisation de migrants, un donné-recevoir au centuple

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A Noël 1985, à l’appel de Coluche, un énorme élan de solidarité conduit à la création des Restos du cœur. Quarante ans plus tard, les « restos » continuent d’être présents là où la pauvreté et la précarité demeurent. Une xavière, Denise, raconte son engagement aux côtés des bénévoles de tous horizons qui s’y engagent.

Denise a vécu 30 années en Afrique, engagée dans des organisations de promotion humaine et de développement au Tchad (INADES Formation) et en Côte d’Ivoire (Centre d’Animation, BDPH de Korhogo et Abobo) notamment. Elle a également vécu dans la communauté du Mirail à Toulouse.
Envoyée en mission dans le 10ème arrondissement de Paris il y a 7 ans, elle a cherché à s’investir dans la vie associative de la Grange aux belles, quartier classé « Politique de la ville ».

De retour d’Afrique j’ai été frappée par le fait que des personnes pouvaient avoir faim en France. J’ai alors participé pendant quelques années à la distribution de denrées alimentaires tous les mardis aux familles et personnes en grandes difficultés budgétaires au Resto du Cœur de la Grange aux Belles.

Puis après l’épidémie du COVID, ayant toujours travaillé dans le développement humain, j’ai changé de poste, réalisant mon désir de relancer, avec d’autres, l’atelier d’alphabétisation de l’association, dans le but de rendre les personnes davantage autonomes et faciliter leur insertion en France.
Avec l’appui de la responsable du Centre et la présence de quelques bénévoles, nous avons pu assurer des cours deux après-midi par semaine en nous répartissant en deux groupes.

Un engagement hebdomadaire

Tous les lundis je me retrouve donc avec deux femmes bénévoles, toujours les mêmes depuis cinq ans. Je suis témoin de leur grand attachement à cette activité : un exemple en est donné quand je constate leur travail préparatoire avant les ateliers, un autre en voyant la régularité de leurs apprenants, la plupart des personnes étrangères, qui s’expriment de mieux en mieux en français, semaines après semaines.
Toutes les trois, nous sommes très attachées à cet engagement qui nous donne tant de joies et nous sommes liées aujourd’hui d’une réelle amitié.

Dans notre petite équipe je suis celle qui accueille les nouveaux apprenants – des femmes le plus souvent – en les dirigeant vers le groupe qui leur convient en fonction de leur niveau.
Souvent les apprenantes sont chargées de bébés en poussettes lesquels parfois participent un peu trop activement à la vitalité du cours d’alphabétisation ! Si les premières années j’ai animé le groupe des débutant(e)s, mon état physique dû à mon âge ne me permet plus un tel investissement ne pouvant plus gérer un grand groupe avec adultes et nourrissons.

Actuellement j’accueille d’un à trois alphabétisés, sans landau, tous jeunes migrants arrivés dernièrement, se débrouillant plus ou moins avec la langue française à l’oral, rarement scolarisés, ne sachant ni lire, ni écrire.
Quelle joie réciproque et partagée quand une arrive à écrire son nom ! ou bien à lire un mot simple correspondant au vocabulaire qu’elle connait.

Malheureusement leur apprentissage est souvent ralenti, affronté aux multiples difficultés de leur situation de migrants, leur état de santé souvent troué de rendez-vous médicaux, leurs craintes d’être arrêté par la Police…
C’est ainsi que par hasard j’ai appris que l’une d’elle dormait sous un pont faute de pouvoir être hébergée. Toujours si propre et attentive je ne l’avais pas imaginée dans une telle précarité.

Aucune de nous trois ne cherche à faire surgir le passé des apprenantes ou leur situation actuelle. Mais parfois à l’occasion d’une demande de lecture d’un récépissé, d’un document reçu, la confiance entre nous étant établie, il nous est demandé de servir de lectrice. Ce sont alors des occasions d’échange fort hors atelier.

Souvent en rentrant en communauté bien épuisée, je me demande pourquoi je suis si attachée à cette activité et si heureuse de pouvoir encore en faire partie.
Je crois que je participe à cette action mystérieuse du donner/recevoir où celui qui croit donner reçoit au centuple (Cf. Mc 10, 28) de façon insoupçonnée.

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photo : anthony micallef
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