Dimanche des Rameaux: « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

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En ce dimanche des Rameaux, Sophie Beauchamp, xavière, nous propose d’entrer dans la Semaine sainte avec cette enluminure du bréviaire de Martin d’Aragon.

 

bréviaire de Martin d’Aragon

Évangile selon saint Marc (11,1-10)

Lorsqu’ils approchent de Jérusalem, vers Bethphagé et Béthanie, près du mont des Oliviers, Jésus envoie deux de ses disciples et leur dit : « Allez au village qui est en face de vous. Dès que vous y entrerez, vous trouverez un petit âne attaché, sur lequel personne ne s’est encore assis. Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous dit : ‘Que faites-vous là ?’, répondez : ‘Le Seigneur en a besoin, mais il vous le renverra aussitôt.’ » Ils partirent, trouvèrent un petit âne attaché près d’une porte, dehors, dans la rue, et ils le détachèrent. Des gens qui se trouvaient là leur demandaient : « Qu’avez-vous à détacher cet ânon ? Ils répondirent ce que Jésus leur avait dit, et on les laissa faire. Ils amenèrent le petit âne à Jésus, le couvrirent de leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus. Alors, beaucoup de gens étendirent leurs manteaux sur le chemin, d’autres, des feuillages coupés dans les champs. Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! »

Commentaire de l’évangile

« Lorsqu’ils approchent de Jérusalem ». Jésus arrive à Jérusalem ; si l’évangéliste Jean mentionne plusieurs passages de Jésus à Jérusalem, pour Marc (et les synoptiques), c’est la première fois qu’il y fait son entrée… et nous savons, avec lui, que ce sera la dernière fois : Jérusalem est le terme de sa vie publique. Et, de fait, ce qui se passe à l’entrée de la ville est comme une synthèse de ses gestes, de ses paroles : il se présente en messie humble, ami des pauvres et des petits, proche des pécheurs à qui il annonce la tendresse et le pardon de Dieu.

« Vers Bethphagé et Béthanie, près du mont des Oliviers ». Jésus et ses disciples arrivent à Jérusalem par l’Est. Cette indication n’est pas anodine : en effet, une tradition juive voyait le Messie emprunter cet itinéraire lors du Jugement à la fin des temps (cf. Za 14, 4 : « Ses pieds se poseront, ce jour-là, sur le mont des Oliviers qui est en face de Jérusalem, à l’orient. »)

« Ils amenèrent le petit âne à Jésus, le couvrirent de leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus ». Là encore, la mention du petit âne n’est pas pour ‘faire joli’ ! En Israël, l’âne est bien sûr employé pour les travaux domestiques ordinaires. Mais dans la Bible, il est aussi la monture traditionnelle des rois. Cf. 1 R 1, 32-34 : « Et le roi David leur dit : ‘Prenez avec vous les serviteurs de votre maître. Vous placerez mon fils Salomon sur ma propre mule, et vous le ferez descendre à Guihone. Là, le prêtre Sadoc et le prophète Nathan lui donneront l’onction comme roi sur Israël’. » ; et Za 9, 9 : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. »

« Alors, beaucoup de gens étendirent leurs manteaux sur le chemin, d’autres, des feuillages coupés … et criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » La foule le confirme : il s’agit bien d’un accueil royal et messianique, reprenant le cadre liturgique de la fête des Tentes (citation du Ps 117, branches coupées et agitées par la foule). Rappelant la marche d’Israël au désert et la protection reçue de Dieu, cette fête célèbre également la royauté universelle de Dieu – YHWH – et manifeste l’espérance du Roi-Messie.

« Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! » La foule reconnaît en Jésus le Fils de David, celui qui accomplit les promesses faites au roi : « Quand tes jours seront accomplis et que tu reposeras auprès de tes pères, je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. C’est lui qui bâtira une maison pour mon Nom, et je rendrai stable pour toujours son trône royal. » (2 Sam 7, 12-13)

Toutes ces références vétérotestamentaires disent bien que Jésus est accueilli comme le Messie-Roi, celui qui vient accomplir la promesse faite à Israël ; il vient sauver son peuple (le terme hébreux Hosanna, avant d’être utilisé comme une acclamation, signifie « Sauve-nous donc ! »). Jésus, le Messie-Roi, entre à Jérusalem et se rend au Temple – le verset suivant le dit clairement « Jésus entra à Jérusalem, dans le Temple. » (Mc 11, 11) – le cœur de la Ville sainte, le lieu de la présence de l’Arche d’Alliance, le lieu du culte rendu à Dieu. La route de Jésus trouve là son accomplissement. Comme à la Transfiguration, Jésus manifeste sa Seigneurie : il est le Christ, le Fils bien-aimé du Père, le Messie annoncé par les prophètes. Mais ‘à la manière’ de Dieu, non pas des hommes…

En tout temps, en tout lieu, être avec le Christ, proche de lui.

L’artiste réalise cette évocation de l’entrée de Jésus à Jérusalem dans une atmosphère de grande proximité. Tout est ‘serré’ : Jésus et les disciples ; les ‘éléments’ entre eux : la montagne, l’arbre et la ville…

Approcher, me laisser approcher ; me tenir auprès de Celui qui vient, de Celui que je veux suivre.

Seigneur, je veux me tenir près de toi. Je viens à toi et je sais que tu viens à moi.

Je viens avec tout ce qui fait ma vie… tout est là, en moi, près de toi.

Je te demande la grâce de t’accueillir et te reconnaître comme mon Seigneur.

Entrer dans la joie

Jésus s’approche de Jérusalem dans un mouvement de liesse et de joie ! Les couleurs chatoyantes, le sol jonché de fleurs nous le signifie, simplement, magnifiquement ; de même l’attitude des passants qui cueillent des branches, déposent leur vêtement en signe de respect et de joyeuse acclamation. Pourtant, nous connaissons la suite du récit, nous savons que cette liesse sera de courte durée et se changera en mouvement de haine. Mais essayons d’oublier ce que nous savons. La Passion est imminente, c’est vrai, et pourtant, dans ce récit, rien ne le laisse entendre : tout est à la joie. Et Jésus se donne à cette joie : il en a besoin. « Car oui, Jésus sait comment cela va finir pour lui. Il connaît nos lâchetés, la puissance paralysante de nos peurs, nos replis (…). Mais il a connu aussi nos émouvants sursauts, il a vu le visage d’une humanité élevée, capable de regrets et de recommencements. Il a vu des mains travailleuses quitter leur tâche pour un regard. Il nous connaît en chercheurs de lumière (…). Aujourd’hui, il a besoin que nous montrions le visage d’humanité qu’il a aimé (…) » (Marion Muller-Collard, Éclats d’Évangile, p. 395). Jésus a besoin de notre joie, de notre oui. Et, comme sur la montagne de la Transfiguration, il a besoin de nous dire qui il est, même si ce n’est que plus tard que nous pourrons entrevoir combien cet ‘être’ est au-delà de ce que nous pouvions imaginer.

Seigneur, dès le commencement, tu m’as regardé, tu m’as appelé, tu m’as aimé du plus grand amour. C’est à cet Amour que je dis oui, c’est de cette joie que je veux vivre !

Je peux faire mémoire des ‘oui’ de ma vie, des ‘oui’ remis en réponse à l’appel du Christ. Quel visage d’humanité ces oui ont-ils façonné en moi ? Quelle joie ont-ils fait naître et grandir ? En moi, en d’autres, en Dieu ?

Je peux rendre grâce pour le chemin parcouru, un chemin d’alliance.

Avec les disciples, regarder et se laisser conduire par Jésus

L’enluminure est comme séparée en deux : à gauche de l’arbre, les apôtres qui entourent et accompagnent Jésus ; à droite, la foule qui l’accueille et l’acclame. Arrêtons-nous du ‘côté gauche’.

Jésus – qui sait que son Heure est proche, que les « Hosanna » seront balayés par des « à mort ! » – avance solennellement vers Jérusalem. Rien n’est laissé au hasard. Il est maître de ce moment, et ses apôtres ne font que suivre ses paroles et son mouvement. Il est au centre du groupe qu’ils forment, et la tête avancée de l’ânon qui le porte, dit bien que c’est lui, Jésus, qui ouvre le passage, indique la direction, donne le ton. Tout en bénissant, il semble montrer de sa main et de son regard, les portes de Jérusalem. Les regards se tournent vers lui, se concertent ou accompagnent le mouvement de sa marche. Il est au milieu de ses apôtres Celui qui s’avance librement, souverainement, vers le don ultime de lui-même.

Seigneur, tu me devances sur le chemin de la vie. Tu es le chemin, la vérité et la vie ! Apprends-moi à te regarder, à me laisser conduire par ta parole.

Comment Jésus est-il celui qui indique une direction, ouvre des passages dans ma vie ?

Quelle est la place de la Parole dans mon quotidien ? Comment est-elle le fondement, le mouvement de mes actes, de mes choix ?

Accueillir, célébrer Celui qui vient ; devenir disciple

Regardons maintenant à droite de l’arbre, ceux qui accueillent Jésus. Autant le groupe des apôtres est ‘rangé’ autour de Jésus, autant ceux qui l’acclament sont ‘éparpillés’. L’artiste semble jouer avec ce contraste. Veut-il montrer la joie qui s’exprime, exubérante ? Veut-il rappeler (annoncer) qu’elle sera passagère ? Ou encore que l’identité de cette foule se trouve non dans la suite de Jésus, mais dans le geste posé d’un hommage ; et, en creux, que pour devenir disciple, il lui faudra aller plus loin que cet hommage ? Le chemin à la suite du Christ est fait de passages. Du désir de voir Jésus, comme Zachée – que l’on peut reconnaître dans le personnage qui, dans l’arbre, ne cueille pas de branches – à la joie de l’accueillir, à l’exigence heureuse de le suivre… Ces passages ne sont pas linéaires, mais comme en spirale, venant chercher et appeler toujours plus profondément ce que nous sommes.

Désir, joie, exigence… Passages… Chemin… Pas à pas, je me laisse appeler dans tous les recoins de mon être.

Que puis-je nommer de mon chemin ? de sa joie, de ses exigences ? des passages qui nourrissent et renouvellent le désir qui m’habite de connaître le Christ, pour mieux l’aimer et le suivre ?

La promesse faite à nos pères s’accomplit

Peut-être avez-vous remarqué un anachronisme ? Dans le groupe des apôtres, nous pouvons reconnaître Pierre à la clé qu’il tient, Matthieu et Jean à l’évangile porté par chacun, et… Paul reconnaissable par son front dégagé et son épée. Que fait donc Paul ici ?! Avec Pierre sur qui Jésus bâtit son Église, avec Matthieu et Jean par qui la Bonne Nouvelle est annoncée, avec Paul, l’apôtre des nations, c’est toute l’humanité qui est en marche à la suite du Christ, vers la Jérusalem céleste.

Avec toute l’Église, avec toute l’humanité appelée, je me tourne vers le Père et lui dis ce qui monte de mon cœur, et la prière que Jésus nous a apprise « Notre Père… ».

 

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