Le carême est souvent associé à faire des efforts. On se dit parfois qu’il faut « le réussir ». Et si la Parole de Dieu proposée les jours de Carême nous faisait découvrir une Bonne Nouvelle ?
par Véronique Rouquet, xavière
Le carême : un cheminement
Les premières lectures de la messe que nous entendrons au fil des dimanches nous éclairent sur la dynamique du Carême. Tirées de l’Ancien Testament, elles nous font revivre des étapes essentielles de l’histoire de l’humanité : Dieu vient y rejoindre son peuple dans sa quête de lumière et d’amour. Suivant les années (A, B ou C), les textes entendus diffèrent, mais ils nous invitent à un même cheminement.
Le premier dimanche nous tourne vers l’alliance originelle : la chute d’Adam et Ève, l’alliance avec Noé, la profession de foi du peuple d’Israël. Oui, Dieu nous rejoint et fait alliance avec nous, une alliance à laquelle nous pouvons répondre de manière libre.
Le deuxième dimanche, nous contemplons la figure d’Abraham, le père des croyants. Choisi par Dieu, Abraham lui répond par une foi confiante et profonde tout en se laissant déplacer dans les représentations qu’il a de lui.
Le troisième dimanche nous fait marcher avec Moïse : c’est par lui que Dieu a révélé son Amour pour son peuple, l’a libéré de ses esclavages, lui a fait connaître sa Loi, lui a révélé son Nom et sa présence en tous temps.
Avec le quatrième dimanche, nous entrevoyons avec Israël l’entrée en terre promise : les étapes de l’onction de David comme roi d’Israël, l’Exil à Babylone et son retour, la fête de la Pâque vécue pour la première fois par Israël sont autant de jalons sur notre propre chemin à la suite du Christ, vrai Roi d’un Royaume « qui n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36).
Le cinquième dimanche, les grands prophètes Ezéchiel, Jérémie, Isaïe annoncent de la part de Dieu la vie en plénitude et ils nous font entrer plus avant dans le dessein d’amour bienveillant de Dieu.
Le carême : entre ombres et lumières
Les évangiles des dimanches de carême se répartissent en deux séries, et nous font découvrir que Dieu nous donne force dans les combats, nous soutient avec amour et nous invite à faire route avec lui et vers lui dans la confiance.
Les deux premiers dimanches, nous contemplons Jésus comme Fils du Père. Il est resplendissant de lumière en sa Transfiguration, mais avant cela il a traversé un long épisode de tentations au désert. A la suite du Christ, notre carême est tissé d’ombres et de lumières, de combat contre le mal et d’illumination divine.
Les trois dimanches suivants sont plus directement tournés vers la fête de Pâque, durant laquelle nous serons invités à proclamer notre foi.
- Les dimanches de l’année A nous font entendre les évangiles utilisés pour la catéchèse baptismale. Dans les récits de la révélation du Christ à la Samaritaine, la guérison de l’aveugle-né et la résurrection de Lazare, Jésus se révèle comme Source vive, Lumière véritable, Vie en plénitude.
- Les dimanches de l’année B sont tournés vers la Croix, annonçant que par elle le Christ sera exalté et glorifié.
- Les dimanches de l’année C nous révèlent la miséricorde du Seigneur et nous invitent ainsi à revenir vers lui dans la confiance.
Se mettre en route avec l’évangile du mercredi des Cendres
Le mercredi des cendres, l’Église entre ensemble dans la démarche du Carême. L’évangile du jour est tiré de l’évangile de Matthieu, au chapitre 6. Nous en proposons un bref commentaire.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.
Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.
Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.
Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »
(Mt 6,1-6.16-18, traduction © AELF)
Devenir des justes
Jésus s’adresse à des personnes qui souhaitent « devenir des justes » (v.1).
On peut ici penser à des figures bibliques qui ont été désignées comme justes : par exemple Joseph (Mt 1, 19) et Syméon (Lc 1,25). Outre leur justice (ou leur justesse), ces deux personnages ont une capacité étonnante à entendre et voir. Dans le trouble qui est le sien, Joseph reste vigilant et est en mesure de reconnaître la voix de l’ange qui le conduit à changer ses plans. Quant à Syméon, il reconnaît au milieu des nombreuses personnes qui fréquentent le temple que le jeune couple qui s’avance un jour semblable aux autres vient présenter le Sauveur attendu.
Être juste semble ainsi avoir un lien avec la capacité de voir et d’entendre les choses de Dieu en tous temps. De fait, un peu plus loin dans l’évangile de Matthieu, Jésus proclamera heureux ceux qui voient et entendent : « Heureux vos yeux parce qu’ils voient et vos oreilles parce qu’elles entendent » (Mt 13, 16).
Justice, capacité à voir et à entendre, bonheur : tout cela est lié !
Mais comment mieux voir et entendre ?
Devenir davantage des personnes en relation
Nous sommes des êtres de relation. Les blessures reçues ou causées, le mal qui nous atteint et qui parfois nous contraint, nous replient sur nous-mêmes et nous font perdre le goût de l’autre. La séduction de certains biens, la poursuite de la richesse ou de plaisirs vains, nous aveuglent aussi et nous font perdre de vue le vrai horizon de nos vies qui est de l’ordre de la fraternité.
Jésus nous met en garde. Désirer devenir juste peut nous conduire à prendre des chemins biaisés, où l’intention cachée serait de mieux nous faire valoir aux yeux des autres. Or, si devenir plus justes veut en vérité dire mieux entendre et mieux voir l’œuvre de Dieu, cela se demande humblement, au Père « qui est là dans le secret ».
Jésus donne ensuite des moyens pour « devenir des justes ». Ces moyens étaient déjà connus et pratiqués, mais Jésus en intériorise l’exigence. Voici qu’il nous invite à déployer nos capacités de relation : envers les autres par l’aumône, envers Dieu par la prière, envers soi-même par le jeûne.
Par le biais de l’aumône, nous sommes invités à nous ouvrir aux autres : reconnaître dans la personne qui souffre ou qui est isolée qu’elle est un frère, une sœur.
En ce carême, quel geste concret pourrai-je poser pour m’aider à regarder les personnes qui m’entourent avec un regard neuf ? Y a-t-il des personnes à qui je n’adresse jamais la parole ?
De fait, l’aumône peut prendre des formes variées : don d’argent, mais aussi don de temps, de sourire…
Par la prière, nous sommes invités à donner du temps à Dieu et à nous mettre en disposition pour reconnaître ses passages et sa présence dans nos vies.
Par la lecture priante de l’évangile, je peux découvrir Dieu davantage à l’œuvre dans ma vie. Dans le dialogue confiant avec lui, je peux lui dire mes peines, mes joies, le remercier pour tel bienfait reçu…
Prie en Chemin peut m’offrir un bon soutien en ce temps de carême !
Le jeûne est à la base une pratique par laquelle on cherche à maîtriser la quantité et le type de nourriture que l’on se donne. Mais, si la nourriture est un aspect essentiel dans la relation que j’ai à mon corps, il n’est pas le seul.
Dans le temps de sommeil et de veille, dans l’équilibre de vie que j’ai habituellement – entre travaux divers et détente -, y a-t-il quelque chose que je puisse ajuster pour mieux respecter mon corps et lui permettre de devenir « temple de l’Esprit saint » (1Co 6, 19), ouvert à la relation à Dieu et aux autres ?
Que cet évangile du mercredi des Cendres nous permette de trouver les petits gestes que nous mettrons en œuvre pour devenir plus justes, plus à l’écoute, plus heureux !