Jésuites et religieuses ignatiennes ont de nombreuses occasions de rencontre et de travail ensemble.
Pour rendre grâce de ce compagnonnage au fil des années, un pèlerinage à Lourdes a été organisé en priorité pour nos aîné(e)s du 2 au 6 septembre dernier. 230 pèlerins se sont retrouvés: xavières, auxiliatrices, sœurs de la Retraite, de St André, de St Joseph, jésuites… sous l’œil bienveillant d’amis et de lycéens de St Joseph de Tivoli (Bordeaux) venus soutenir les pèlerins plus fragiles.
Témoignage de Simone Verchère
J’étais allée quelques fois à Lourdes mais jamais dans le cadre d’un pèlerinage. Pèlerinage particulier parce que axé sur la vulnérabilité, la nôtre, alors que les diminutions de l’âge se font sentir avec plus ou moins d’acuité selon les personnes.
Beaucoup de célébrations/rencontres m’ont touchée mais je retiendrai particulièrement deux temps :
- Le partage de nos vulnérabilités, en petits groupes. Hésitation d’abord à se livrer, puis vérité des récits offerts avec pudeur, expériences personnelles accueillies dans un esprit bienveillant et fraternel ; ouverture permettant le dépassement de nos propres limites… C’est bien ensemble que nous marchons vers le Royaume, même si c’est en boîtant !
- Le geste de l’eau, boire à la source : plus qu’un rite, un symbole ; reconnaissance que la Source de nos vies est le Christ et invitation à se laisser irriguer par Lui, Force de Vie !
« Habités par l’Esprit Saint, ancrés dans la Parole de Dieu et dans la Foi qu’en Lui, ‘la Vie est la plus forte‘, apprenons à découvrir la présence et l’action discrète de Dieu. » (Jeanne Touvard)
Témoignage de Mireille Boileau
Les textes du Pape François furent la toile de fond de ce pèlerinage. Nous avons à la fois participé aux rassemblements internationaux, et honoré des temps ensemble entre ignatiens. Par exemple autour de l’expérience de l’eau et de la lumière, avec partages en petits groupes.
Un après-midi était réservé à des ateliers avec thèmes divers : témoignage d’une personne atteinte d’un cancer, d’une autre travaillant auprès des personnes en fin de vie etc… J’ai participé à l’atelier « Vivre avec l’irréparé » (c’est-à-dire comment vivre avec ce qui restera blessé), avec Isabelle le Bourgeois (voir son livre). Cela m’a invitée à recevoir le sacrement des Malades, proposé le lendemain. Ce fut pour moi un temps fort, qui m’a aidée à vivre un nouveau passage dans ma vie qui me rendait encore plus vulnérable. Je me suis sentie très solidaire de ceux et celles qui regagnent des maisons de retraite avec difficulté.
Oui, le Seigneur est venu nous rejoindre au plus profond de nos enfers, pour nous relever dans l’espérance de la Terre Promise !
Témoignage de Nathalie Chavanat
Avoir des « anges gardiens » parmi les jeunes de Tivoli fut une très bonne idée ! Pour moi, Constance et Alexandre étaient tout à ma disposition pour me pousser là où je devais ou désirais aller ; l’une connaissait Lourdes, l’autre non. Tous deux, désireux de connaître ma vocation, m’ont posé beaucoup de questions ; tout les a intéressés !
Il y eut de nombreuses occasions de rencontres – pendant les repas ou dans un café – avec quelques jésuites comme l’un qui a passé plusieurs dizaines d’années au Rwanda, ou avec Lucy, auxi indienne, ma voisine de chambre, avec qui j’ai gardé contact.
J’ai goûté la liturgie au long des jours, dans des lieux différents, entre nous ou réunis à un groupe italien. Dès le début j’ai apprécié la simplicité des temps proposés, comme par exemple un temps musical le premier jour avec une guitare seule ; des célébrations guidées par deux ou trois jésuites seulement ; des temps de silence respectueux comme si nous étions dans une petite chapelle en communauté… Tout pour aller à la rencontre du Seigneur, intimement, quel que soit le grand nombre du groupe et la taille immense de la basilique ou de la chapelle … pour aller au cœur.
Ce fut une belle occasion pour moi de connaître davantage les auxis, avec le souhait d’aller les rencontrer et prier avec elles à Marseille, où je réside.
Mon action de grâce se poursuit au fil des jours : joie de reprendre le livret de temps en temps et de cueillir, quand j’en trouve, d’autres « coups de pouce du Pape François !
Un très grand merci au trio organisateur !!… et au ciel resté plutôt clément !
Une homélie inspirante
Jacques Gebel, jésuite, a offert une belle méditation sur la vulnérabilité. Opposant le démon qui veut éblouir et se mettre au centre par son « savoir » (« je sais qui tu es, le Saint de Dieu ! », Lc 4,33) et Jésus, qui « ne nous demande pas de vivre quelque chose qu’il n’ait vécu lui-même auparavant », il a montré comment la foi n’est pas question de savoir mais d’accueil et d’écoute de l’Esprit : cet Esprit de Dieu « éclaire et réchauffe pour faire grandir, pour rendre libre, pour montrer la route, dans les joies comme dans les peines ».
Puis il a utilisé l’image de la bougie, dont la frêle lumière, baissant de jour en jour, continue d’éclairer « jusqu’à un nouveau commencement » :
« Ils peuvent s’éloigner plus ou moins rapidement les jours où, cavalières et cavaliers fringants, nous sillonnons de vastes étendues pour illuminer la terre des vivants du flambeau de nos multiples activités que nous voulons apostoliques. Ces jours du fier flambeau cèdent alors la place aux jours des bougies fragiles, qui désirent encore éclairer dans les diminutions, plus ou moins lentes
et progressives.
Bougies éclairant, tout en se consumant, d’une flamme tantôt harmonieuse, longue et belle, tantôt pétillante, tantôt hésitante, à la lumière incertaine et inégale.
Éclairant par quelques activités encore externes, par l’humanisation des trottoirs, par de petits services au quotidien, par des « visitations » des voisins peu mobiles ou isolés, réchauffant les cœurs blessés, comme le fit Jésus sur la route d’Emmaüs, comme le fait la flamme paralympique.
Éclairant plus tard par la prière personnelle, pour laquelle on a plus de temps, attendant, tels les vieillards Anne et Syméon, la venue du Seigneur, toujours curieux de l’actualité, rendant grâces pour la vie donnée et intercédant activement pour le monde, luttant dans la foi contre le sentiment d’inutilité.
Éclairant encore plus tard en étant simplement présents aux autres, à ceux qui passent, par un regard, un sourire, un geste, même sans parler, même sans entendre ou comprendre, isolé dans la surdité, même somnolents.
Éclairant beaucoup plus tard par le désir de vivre, guettant dès l’aurore les bénédictions d’un Dieu semblant parfois éloigné et silencieux, bénédictions si minimes soient-elles, telles des étoiles surgies dans l’obscurité de la nuit, jusqu’au dernier pouce de mèche, jusqu’au dernier souffle.
Jusqu’à ce que la flamme s’éteigne, et que le pauvre reliquat de cire se fonde à la première glèbe, pour un nouveau commencement.«