Le 27 septembre a été fondée à Paris l’association Justice Autrement, présidée par Thérèse de Villette, xavière, criminologue, autrice de plusieurs livres sur la justice restaurative.
Elle nous présente la genèse et la raison d’être de cette nouvelle association.
Répondant à l’appel du pape François adressé à tous les chrétiens de s’engager dans la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants, j’ai pensé que je pouvais offrir ma formation et mon expérience en matière de justice réparatrice : aux victimes comme chemin de résilience et aux auteurs comme démarche de transformation.
Cette démarche a fait l’objet de ma recherche-action dans le cadre d’une Maîtrise en criminologie à l’Université de Montréal il y a 21 ans. Celle-ci devait vérifier la pertinence et l’efficacité de la justice réparatrice dans le cas de toutes sortes de crimes spécialement les plus graves comme meurtres, vols par effraction et agressions sexuelles. Ensuite dans le cadre du Centre de Services de Justice réparatrice que j’ai co-fondé à Montréal en 2001 j’ai pu expérimenter la démarche durant 18 ans tant dans les pénitenciers de cette région qu’ensuite en Côte d’Ivoire.
J’ai pu constater qu’elle tenait la route quelle que soit la culture, si on peut l’adapter aux destinataires, victimes et agresseurs car elle vise à rejoindre l’être profond des personnes.
Une justice transformatrice
Les termes de justice réparatrice, ou restaurative, sont faibles. Il serait plus juste de parler de « justice transformatrice », car on ne propose pas aux destinataires de revenir au point zéro, mais plutôt de renaître comme personne par de là et à travers les blessures ou défaillances d’une crise.
Une transformation des personnes s’opère en effet peu à peu dans un espace confidentiel où la parole des victimes se libère, adressée à des agresseurs semblables aux leurs. En face, ceux-ci ont la possibilité de réaliser la gravité de leurs actes, d’une part en écoutant les victimes parler des conséquences de ces actes dans leur vie et dans celle de leurs proches ; d’autre part en disant aussi qui ils sont en vérité.
Il s’agit de rencontres entre un petit groupe d’auteurs (trois ou quatre) et un petit groupe de victimes (même nombre) dans la confidentialité et l’anonymat. Les participants ne se connaissent pas au début de la démarche et tous sont volontaires. Ces conditions favorisent grandement la circulation de la parole entre eux, dans la confiance. Les rencontres sont animées par deux médiateurs et accompagnées par deux personnes de la société, dont la présence discrète signifie pour agresseurs et victimes l’espoir d’une réintégration sociale.
Dans le cas qui nous occupe actuellement, la note particulière est que les agresseurs sont des personnes consacrées et que les crimes ont souvent été commis en lien avec les gestes sacrés de la liturgie des sacrements. Or ces faits ont été couverts par le silence absolu de l’entourage chrétien dont la crainte s’apparentait à celui d’un enfant envers son père incestueux lié par le lien sacré de la vie et le souci de sauver la famille de la honte. Et pourtant « qui ne dit rien consent » ; mutisme mortel renforçant les auteurs dans leurs agissements et le déni, souvent pendant de nombreuses années.
L’association Justice Autrement
On le comprend cette justice restaurative est totalement différente de la justice pénale dont elle pourrait être complémentaire. C’est dans cette perspective que nous venons de fonder une petite association appelée Justice Autrement en vue d’offrir à ceux et celles qui sont concernés par les abus sexuels et qui le voudraient une démarche de transformation en acceptant d’être eux-mêmes les acteurs de la justice.
Cet engagement suppose une sérieuse préparation pour laquelle un certain nombre de personnalités, membres actifs de notre association, offrent bénévolement leur concours selon leurs compétences : avocats, psychothérapeutes, criminologues, spécialistes de la justice réparatrice, médiateurs, professeurs, chercheurs universitaires, pédiatres et psychiatres mais aussi victimes de pédocriminalité et administrateurs expérimentés.
Nous souhaitons ainsi offrir nos services tout particulièrement aux deux commissions mises en place à la suite du rapport de la CIASE, l’INIRR et la CRR, mandatées pour accompagner les victimes d’abus sexuels et spirituels ; et ce en nous préoccupant aussi des auteurs de ces abus mis en cause, selon une modalité particulière de justice restaurative : les Rencontres Offenseurs-Victimes que nous allons organiser.
Le conseil d’administration
Notre Assemblée générale de fondation a eu lieu le 27 septembre, regroupant déjà 25 membres.
Après avoir approuvé les statuts de l’association, elle l’a dotée d’un conseil d’administration, dont les membres suivent par ordre alphabétique :
Agbodo Jean-Paul ; Causse Guilhem ; Jurien de le Gravière Marcel (trésorier) ; Laurent Sabine (secrétaire ) ; Loué Williaume Pascale ; Mikaeloff Yann ; Retourné Dominique ; de VilletteThérèse (présidente).
Notre tâche est maintenant d’élaborer un plan d’action et une formation adaptés.
Contact :
justiceautrement1@gmail.com