En mémoire de Christine
L’Évangile du 15 août est celui de la « visitation » de Marie à Elisabeth, sa cousine. Cette rencontre de deux femmes enceintes qui vont donner la vie contre toute attente est un moment de joie et d’action de grâce.
Ce 15 août, à La Pourraque, nous avons vécu une rencontre semblable.
La famille de Christine d’Hérouville est venue visiter, dans ce coin de haute Provence, 75 xavières qui les y attendaient. Nous voulions faire mémoire ensemble de Christine d’Hérouville, xavière, assassinée au Tchad, il y a 20 ans à l’âge de 32 ans.
Christine, née le 6 août 1964, avait entrepris des études à la Faculté de médecine du Kremlin Bicêtre en septembre 1982 et elle avait soutenu sa thèse en juin 1992.
En septembre 1991, elle était entrée au postulat de La Xavière dans la communauté de Créteil. Après deux ans de noviciat, elle avait prononcé ses premiers vœux le 31 juillet 1994.
Envoyée de nouveau dans la communauté de Créteil, elle avait alors commencé d’exercer son métier. Elle est médecin vacataire au Grand quartier du Centre pénitentiaire de Fresnes. Elle y reste jusqu’à son départ au Tchad où elle rejoint la communauté le 19 septembre 1996. Avec l’appui de l’association Medicus Mundi sa tâche est de mettre sur pied à N’djamena un Centre d’information sur le Sida (CEDIS).
Le 15 janvier 1997, dans le local du CEDIS situé à Kabalaye, un quartier de N’Djamena, trois jeunes viennent discuter avec elle, souhaitant, disent-ils, lancer un association de lutte contre le sida. Après une heure d’entretien, l’un d’eux assassine Christine et s’enfuit.
Tragédie incompréhensible qui déclenche pour ses parents, ses frères, sa famille et pour chaque xavière, sidération, colère, désespoir, violence et haine peut-être. Comment vivre cela ? Est-il possible de pardonner ?
A la surprise de beaucoup, Marie-France et Felix, les parents de Christine, demandent lors du procès que le meurtrier ne soit pas condamné à mort.
Chacun vit son propre chemin pour cicatriser cette blessure, le temps peut être long.
20 ans se sont écoulés. Nous savons bien que la blessure est toujours présente en nos cœurs.
Dans la chapelle de La Pourraque en ce 15 août, nous avons pu nous dire que, « contre toute attente », la mort de Christine a été semence de vie. « Si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul. S’il meurt, il porte beaucoup de fruits. » (Jn 12,24) comme elle le disait lors d’un dernier partage en communauté.
Au cœur de l’Eucharistie, quatre témoignages, de Daniel Nourrissat prêtre au Maroc et grand ami de nous tous, de Cédric l’un des frères de Christine, de Marie-France, maman de Christine et de Brigitte, xavière qui vit aujourd’hui dans la communauté de N’Djamena, ont fait monter en nos cœurs l’action de grâces.
Comme Marie chante le magnificat pour sa cousine Elisabeth, les chants nous ont unis dans une même joie au long de la journée, jusqu’à cette danse dans la chapelle à laquelle tous ont participé sans vouloir qu’elle s’arrête.
> Mot d’accueil de Christine Danel, supérieure générale de La Xavière