Du 3 au 27 octobre 2018, se réunissent autour du Pape François à Rome, les pères synodaux sur le thème de « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ».
Un évènement d’importance pour l’Église, pour les jeunes et pour nos sociétés !
Un évènement qui se prépare depuis 2 ans avec une large consultation et participation des jeunes entre 16 et 29 ans, une génération aux conditions de vie, aux aspirations et aux espérances si diverses d’un pays à l’autre et au sein même de chaque communauté nationale.
Un évènement où sont présents, autour des pères synodaux, des experts et des auditeurs, des délégués et des invités. Parcourir la liste des participants au synode permet de découvrir la diversité de l’Église universelle.
Un évènement qui est un enjeu et un défi !
Vous pouvez suivre l’actualité du synode sur le site WEB du synode et avec le blog des religieuses qui y participent comme experte et auditrices.
En octobre 2016, le pape François a annoncé un synode des évêques ayant pour thème « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ».
Le 13 janvier 2017, le pape a écrit aux jeunes les invitant à cette « marche » synodale.
« Je vous ai voulu au centre de l’attention parce que je vous porte dans mon cœur. Aujourd’hui même est présenté le Document Préparatoire, que je vous confie comme “boussole” tout au long de ce cheminement … Aucun jeune ne doit se sentir exclu de la préparation du synode … Faites entendre votre cri … L’Église même désire se mettre à l’écoute de votre voix, de votre sensibilité, de votre foi, voire de vos doutes et de vos critiques.« …
Ces paroles fortes du Pape aux jeunes à propos du synode nous disent son souhait de vraiment les écouter et de les impliquer dans la consultation synodale partir d’un document préparatoire. Ce document comprend 3 parties : une première avec une approche plus sociologique essaie de faire un état des lieux de la culture actuelle des jeunes, du monde dans lequel ils grandissent et qui les façonnent, en soulignant quelques grandes caractéristiques de la jeunesse contemporaine ; la deuxième partie, plus spirituelle et théologique, décrit de manière très pédagogique ce qu’est le processus de discernement et d’accompagnement des jeunes sur le chemin de la foi et de la découverte de leur vocation ; la troisième partie, plus pastorale, donne des repères et pistes concrètes pour une pastorale des jeunes et des vocations dans le monde d’aujourd’hui.
Durant l’année 2017, 130 000 jeunes du monde entier ont pris la parole à travers un questionnaire en ligne (accessible en 5 langues). Parallèlement, se sont tenus une rencontre internationale avec les responsables de la pastorale des jeunes en avril 2017 puis un séminaire international sur la situation des jeunes en septembre 2017. A partir du questionnaire, des pistes de travail ont pu être discutés lors d’une réunion pré-synodale en mars 2018 avec la participation de 300 jeunes sur place provenant des cinq continents et de 15 000 jeunes par l’intermédiaire des réseaux sociaux.
En mai 2018, un nouveau texte « instrument de travail » a été publié. L’introduction ouvre sur un enjeu majeur : un « prendre soin » des jeunes à considérer comme central et inhérent à la mission de l’Église. Puis est évoquée la méthode de discernement ainsi que la structure de ce texte dont le mouvement construit autour de la dynamique même du synode – un chemin ensemble à l’écoute de l’Esprit – déploie une démarche de discernement qui passe par les trois étapes déjà décrites dans le document préparatoire : reconnaître : l’Église à l’écoute de la réalité ; interpréter : la foi et le discernement vocationnel ; choisir : trouver des chemins modes de conversion pastorale et missionnaire.
Si l’Église écoute les jeunes et discerne plus finement à travers eux les « signes des temps », elle continuera à se réformer pour servir davantage le monde et contribuer à sa transformation positive. Car une des grâces du Pape François à travers ce synode est sans doute de nous faire davantage saisir que les jeunes s’ils sont bien guidés et en dialogue avec les ainés sont aujourd’hui les premiers acteurs de la transformation du monde nouveau en émergence vers plus de justice, de paix et de fraternité.
Tout cela est source de beaucoup de joie et d’enthousiasme.
En voici quelques extraits :
1. « Prendre soin » des jeunes n’est pas une tâche facultative pour l’Église, c’est une part substantielle de sa vocation et de sa mission dans l’histoire. C’est cela qui est à la racine de l’enjeu spécifique du prochain Synode : comme le Seigneur a marché avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35), l’Église est invitée à accompagner tous les jeunes, sans exception, vers la joie de l’amour. Les jeunes peuvent, par leur présence et leur parole, aider l’Église à rajeunir son visage. Un fil rouge relie le Message aux jeunes du Concile Vatican II (8 décembre 1965) et le Synode des jeunes (3-28 octobre 2018), comme le Saint-Père l’a explicité dans son introduction de la Réunion Pré-synodale : « Il me vient à l’esprit le splendide Message aux jeunes du Concile Vatican II. […] C’est une invitation à chercher de nouveaux chemins et à les parcourir avec audace et confiance, en gardant le regard fixé sur Jésus et en s’ouvrant à l’Esprit Saint pour rajeunir le visage même de l’Église », en accompagnant les jeunes dans leur parcours de discernement vocationnel en ce « changement d’époque ».
4. « La réalité est plus importante que l’idée » (cf. EG 231-233) : en cette 1ère partie, nous sommes invités à écouter et regarder les jeunes dans les conditions réelles dans lesquelles ils se trouvent, et à considérer l’action de l’Église à leur égard. Il ne s’agit pas d’accumuler des données et des indications sociologiques, mais d’identifier les défis et les opportunités qui apparaissent dans les divers contextes à la lumière de la foi, en les laissant nous toucher en profondeur, de manière à donner une base concrète à tout le parcours qui suivra (cf. LS 15). D’évidentes raisons de place limitent à quelques brèves mentions le traitement de questions vastes et complexes : les Pères synodaux sont appelés à y reconnaître les appels de l’Esprit.
75. La jeunesse est un âge de la vie original et enthousiasmant par lequel le Christ lui-même est passé, âge qu’il a lui-même sanctifié par sa présence. Irénée de Lyon nous aide à comprendre cette réalité quand il affirme que « Jésus n’a ni rejeté ni dépassé la condition humaine et n’a pas aboli en sa personne la loi du genre humain, mais il a sanctifié tous les âges par la ressemblance que nous avons avec lui. C’est en effet tous les hommes qu’il est venu sauver par lui-même ; tous les hommes, dis-je, qui renaissent en Dieu : les nouveau-nés, enfants, adolescents, jeunes hommes, hommes d’âge. C’est pourquoi il est passé par tous les âges de la vie : en se faisant nouveau-né parmi les nouveau-nés, il a sanctifié les nouveau-nés ; en se faisant enfant parmi les enfants, il a sanctifié ceux qui ont cet âge et est devenu en même temps pour eux un modèle de piété, de justice et de soumission ; en se faisant jeune homme parmi les jeunes hommes, il est devenu un modèle pour les jeunes hommes et les a sanctifiés pour le Seigneur » (Contre les hérésies, II,22,4). Jésus, donc, « jeune parmi les jeunes », veut lui-même les rencontrer en marchant avec eux, comme il le fit avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35). Il désire encore aujourd’hui s’offrir lui-même pour que chacun d’eux ait la vie en abondance (cf. Jn 10, 10).
84. Dans la période de la jeunesse, la construction de l’identité prend forme. À notre époque, marquée par la complexité, la fragmentation et l’incertitude quant à l’avenir, établir un projet de vie devient difficile sinon impossible. Dans cette situation de crise, l’effort ecclésial est souvent destiné à soutenir la capacité à faire des projets. Dans le meilleur des cas et là où les jeunes sont davantage disponibles, ce type de pastorale les aide effectivement à découvrir leur vocation, mais reste, au fond, une parole pour une minorité d’élus, un idéal qui exprime le but à atteindre. Mais cette manière de procéder ne risque-t-elle pas de réduire et de compromettre la pleine vérité de ce terme qu’est la « vocation » ?
À ce propos, il est fort utile d’évoquer la rencontre entre Jésus et le jeune homme riche (cf. Mt 19, 16-22 ; Mc 10, 17-22 ; Lc 10, 25-28). Nous voyons ici que le Maître de Nazareth ne soutient pas le projet de vie du jeune homme, et ne lui indique pas son aboutissement ; il ne lui recommande pas de s’engager plus avant ni même, au fond, ne cherche à combler un vide dans la vie de ce jeune homme qui pourtant avait demandé : « Que me manque-t-il encore ? » ; tout au moins ne veut-il pas combler directement ce vide en confirmant le projet de vie du jeune homme riche. Jésus ne vient pas remplir un vide, mais il demande au jeune homme de se vider lui-même, de s’ouvrir à une nouvelle perspective orientée vers le don de soi, à une nouvelle manière de voir sa vie, à partir de la rencontre avec celui qui est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Ainsi, à travers une véritable désorientation, Jésus demande au jeune homme de reconfigurer son existence. C’est un appel à la prise de risque, à la perte des acquis, à la confiance. C’est une invitation à rompre avec la mentalité de l’auto-construction qui, exacerbée, conduit au narcissisme et à l’enfermement sur soi-même. Jésus invite le jeune homme à entrer dans une logique de foi, qui risque sa vie à la suite du Christ, parce que précédée et accompagnée d’un regard d’amour : « Jésus le regarda et se prit à l’aimer ; il lui dit : “Une seule chose te manque ; va, ce que tu as, vends-le, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens, suis-moi” » (Mc 10, 21).
144. L’appel à la joie et à la vie en plénitude se situe toujours dans le cadre d’un contexte culturel et social. C’est pour faire face aux circonstances de la vie quotidienne que les jeunes désirent être accompagnés, formés, mis en responsabilité. L’Église est donc appelée à « sortir, voir, appeler » (DP III, 1.3), c’est-à-dire à investir du temps pour connaître et comprendre les contraintes et les opportunités des divers contextes sociaux et culturels afin d’y faire résonner de manière compréhensible l’appel à la joie de l’amour. En même temps, les relations sociales et interpersonnelles ainsi que les dynamiques de la vie quotidienne (amitié, affectivité, rapport au temps et à l’argent, etc.) entrainent l’apparition de désirs, idées, émotions et sentiments qu’un parcours d’accompagnement aidera à reconnaître et interpréter. Une perspective intégrale exige de reconnaître l’existence de liens entre les domaines et les contextes où se déroule la vie des jeunes, ce qui exige de convertir les pratiques pastorales et les modes de formation des accompagnateurs.
145. En particulier, l’expérience de ses propres fragilités ou la rencontre avec celles d’autrui, qu’elles viennent d’un groupe ou d’une communauté, d’une société ou d’une culture, est aussi éprouvante que précieuse. Pour les jeunes, cela peut être l’occasion de découvrir des ressources cachées et de voir naître des questionnements vocationnels, en les incitant à sortir d’une recherche continuelle de petites certitudes. En accompagnant ces parcours, l’Église découvrira de nouvelles frontières et de nouvelles ressources pour remplir sa mission.
214. Jésus invite chacun de ses disciples au don total de sa vie, sans calcul ni profit humain personnel. Les saints accueillent cette invitation exigeante et se mettent avec une humble docilité à la suite du Christ crucifié et ressuscité. L’Église contemple dans le ciel de la sainteté une constellation toujours plus nombreuse et lumineuse d’enfants, d’adolescents et de jeunes saints et bienheureux qui, depuis l’époque des premières communautés chrétiennes, arrivent jusqu’à nous. En les invoquant comme protecteurs, elle les indique aux jeunes comme des références pour leur existence. Plusieurs communautés ecclésiales demandent de mettre en valeur la sainteté des jeunes pour l’éducation, et les jeunes eux-mêmes reconnaissent qu’ils « sont plus réceptifs à “un chemin de vie” qu’à un discours théologique abstrait » (RP, IIe Partie, Introduction). Vu que les jeunes affirment que « les récits de Saints sont aussi à noter» (RP 15), il devient important de les présenter d’une manière adaptée à leur âge et à leur situation.
Une place tout à fait spéciale revient à la Mère du Seigneur, qui a vécu en première disciple de son Fils bien aimé et constitue un modèle de sainteté pour tout croyant. Dans sa capacité à retenir et méditer dans son cœur la Parole (cf. Lc 2, 19.51), Marie est pour toute l’Église mère et maîtresse du discernement.
Il vaut encore la peine de rappeler qu’à côté des « saints jeunes », il est nécessaire de présenter aux jeunes la « jeunesse des saints ». Tous les saints, en effet, sont passés par l’âge de la jeunesse et il serait utile de montrer aux jeunes d’aujourd’hui de quelle manière les saints ont vécu le temps de leur jeunesse. On pourrait ainsi saisir de nombreuses situations ni simples ni faciles vécues par les jeunes mais où Dieu est présent et mystérieusement actif. Montrer que sa grâce est à l’œuvre dans des parcours tortueux de patiente construction d’une sainteté qui mûrit au cours du temps par quantité de voies imprévues peut aider tous les jeunes, sans exception, à cultiver l’espoir d’une sainteté toujours possible.
Tous les dossiers sur le synode et sa préparation sur le site le Service national pour l’
Nathalie Becquart, xavière, qui a été directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations, a pu être actrice et témoin de la préparation de cette marche synodale avec les jeunes. Elle nous en partage les enjeux essentiels et témoigne de la place donnée à la parole des jeunes.
Les jeunes dans le monde aujourd’hui, extrait du document préparatoire
La rapidité des processus de changement et de transformation est l’aspect principal qui caractérise les sociétés et les cultures contemporaines (cf. Laudato sì, n. 18). La combinaison entre une grande complexité et une mutation rapide fait en sorte que nous nous trouvons dans un contexte de fluidité et d’incertitude jamais atteint auparavant : c’est une donnée de fait qu’il faut assumer sans juger a priori si cela constitue plutôt un problème ou une opportunité. Cette situation requiert de poser un regard intégral sur les choses et d’acquérir la capacité de programmer à long terme, en faisant attention à la durabilité et aux conséquences qu’auront les choix d’aujourd’hui sur des temps et dans des lieux lointains.
La croissance de l’incertitude exerce une incidence sur les conditions de vulnérabilité, c’est-à-dire la conjugaison du malaise social et des difficultés économiques, et sur les sentiments d’insécurité de larges couches de la population. Sur le plan du monde du travail, nous pouvons penser aux phénomènes du chômage, de l’augmentation de la flexibilité et de l’exploitation, surtout des mineurs, ou encore à l’ensemble des causes politiques, économiques, sociales et même environnementales qui expliquent l’augmentation exponentielle du nombre de réfugiés et de migrants. Par rapport à quelques privilégiés qui peuvent bénéficier des opportunités offertes par les processus de mondialisation économique, nombreux sont ceux qui vivent dans des situations de vulnérabilité et d’insécurité, avec un impact sur leurs parcours de vie et sur leurs choix.
Au niveau global, le monde contemporain est marqué par une culture « scientiste », souvent dominée par la technique et par les infinies possibilités qu’elle promet d’ouvrir, au sein de laquelle toutefois « les formes de tristesse et de solitude où tombent tant de personnes et aussi tant de jeunes, semblent se multiplier » (Misericordia et misera, n. 3). Comme l’enseigne l’Encyclique Laudato si’, l’association du paradigme technocratique et de la recherche spasmodique du profit à court terme sont à l’origine de cette culture du rejet qui exclut des millions de personnes, notamment de nombreux jeunes, et qui conduit à l’exploitation sans discernement des ressources naturelles, ainsi qu’à la dégradation du milieu naturel, menaçant ainsi le futur des prochaines générations (cf. n. 20-22).
Il ne faut pas non plus négliger le fait que beaucoup de sociétés sont toujours plus multiculturelles et multireligieuses. En particulier, la présence de plusieurs traditions religieuses constitue à la fois un défi et une opportunité : cela peut désorienter davantage et accroître la tentation du relativisme, tandis qu’augmentent les possibilités d’une confrontation féconde et d’un enrichissement réciproque. Aux yeux de la foi, cela apparaît comme un signe de notre temps, qui requiert de progresser dans la culture de l’écoute, du respect et du dialogue.
Celui qui est jeune aujourd’hui vit cette condition dans un monde différent de celui de la génération de ses parents et éducateurs. Non seulement le système de liens et d’opportunités change au gré des transformations économiques et sociales, mais les désirs, les besoins, les sensibilités, les modes de relation avec les autres évoluent subrepticement. En outre, si d’un certain point de vue il est vrai qu’avec la mondialisation les jeunes tendent à être toujours davantage homogènes dans tous les endroits du monde, il n’en demeure pas moins que, dans les contextes locaux, les spécificités culturelles et institutionnelles ont des retombées sur le processus de socialisation et de construction de l’identité.
Le défi du multiculturalisme traverse en particulier le monde de la jeunesse, par exemple avec les spécificités des « deuxièmes générations » (c’est-à-dire de ces jeunes qui grandissent dans une société et une culture différentes de celles de leurs parents, à la suite des phénomènes migratoires) ou des enfants de couples « mixtes » d’une façon ou d’une autre (du point de vue ethnique, culturel et/ou religieux).
En bien des endroits du monde, les jeunes vivent dans des conditions particulièrement dures, dans lesquelles il devient difficile de se frayer un espace de choix de vie authentique, en l’absence de marges – même minimes – d’exercice de la liberté. Pensons aux jeunes en situation de pauvreté et d’exclusion ; à ceux qui grandissent sans parents ni famille, ou encore qui n’ont pas la possibilité d’aller à l’école ; aux enfants et aux jeunes de la rue dans de nombreuses banlieues ; aux jeunes sans travail, réfugiés et migrants ; à ceux qui sont victimes de l’exploitation, de la traite d’êtres humains et de l’esclavage ; aux enfants et aux jeunes enrôlés de force dans des bandes criminelles ou dans des milices irrégulières ; aux femmes-enfants ou aux fillettes contraintes de se marier contre leur volonté. Bien trop nombreux sont ceux qui passent directement de l’enfance à l’âge adulte et à une charge de responsabilité qu’ils n’ont pas pu choisir. Souvent les fillettes, les jeunes filles et les jeunes femmes doivent affronter des difficultés encore plus grandes que celles de leurs contemporaines.
Des études menées au niveau international permettent de distinguer quelques traits caractéristiques des jeunes de notre temps.
Appartenance et participation
Les jeunes ne se perçoivent pas comme une catégorie désavantagée ou comme un groupe social à protéger et, par conséquent, comme les destinataires passifs de programmes pastoraux ou de choix politiques. Beaucoup désirent prendre une part active aux processus de changement du présent, comme le confirment les expériences de mobilisation et d’innovation venant du bas et dont les jeunes sont les principaux artisans, même s’ils n’en sont pas les seuls.
La disponibilité à participer et à se mobiliser pour des actions concrètes, où l’apport personnel de chacun peut être une occasion de reconnaissance identitaire, se rattache à l’insatisfaction envers des milieux où les jeunes ressentent, à tort ou à raison, qu’ils ne trouvent pas leur place ou dont ils ne reçoivent pas de stimuli ; cela peut conduire au renoncement ou à la difficulté de désirer, de rêver et de former des projets, comme le démontre le phénomène diffus des NEET (not in education, employment or training, à savoir : les jeunes non engagés dans une activité d’étude, ni de travail, ni de formation professionnelle). L’écart entre les jeunes passifs et découragés et ceux qui sont entreprenants et actifs est le fruit des opportunités concrètement offertes à chacun à l’intérieur du contexte social et familial où ils grandissent, en plus des expériences de sens, de relation et de valeur faites avant même l’entrée dans la phase de la jeunesse. Le manque de confiance en eux-mêmes et en leurs capacités peut se manifester non seulement par la passivité, mais aussi par une préoccupation excessive de leur image et par un conformisme qui baisse les bras devant les modes du moment.
Points de référence personnels et institutionnels
Diverses recherches montrent que les jeunes ressentent le besoin de figures de référence proches, crédibles, cohérentes et honnêtes, ainsi que de lieux et d’occasions où ils puissent mettre à l’épreuve leur capacité de relation avec les autres (autant avec les adultes qu’avec les jeunes de leur âge) et affronter les dynamiques affectives. Ils cherchent des personnes capables d’exprimer une certaine harmonie et de leur offrir un soutien, un encouragement et une aide pour reconnaître leurs limites, sans faire peser de jugement.
De ce point de vue, le rôle des parents et des familles demeure crucial et parfois même problématique. Les générations plus mûres tendent souvent à sous-évaluer les potentialités, amplifient les fragilités et ont du mal à comprendre les exigences des plus jeunes. Parents et éducateurs adultes peuvent aussi se souvenir de leurs propres erreurs, entraînant ce qu’elles ne voudraient pas que les jeunes fassent ; mais souvent, elles ne voient pas aussi clairement comment les aider à orienter leur regard vers l’avenir. Les deux réactions les plus communes sont de renoncer à se faire entendre et d’imposer leurs propres choix. Des parents absents ou hyperprotecteurs rendent les enfants plus fragiles et tendent à sous-évaluer les risques ou à être obsessionnels par peur de se tromper.
Les jeunes ne cherchent toutefois pas seulement des figures de référence adultes : le désir d’une confrontation ouverte avec les jeunes de leur âge reste fort. À cette fin, il existe un grand besoin d’occasions d’interaction libre, d’expression affective, d’apprentissage informel, d’expérimentation de rôles et de capacités sans tension ni angoisse.
Tendanciellement prudents vis-à-vis de ceux qui se trouvent au-delà du cercle de leurs relations personnelles, les jeunes nourrissent souvent de la méfiance, de l’indifférence ou de l’indignation envers les institutions. Ceci ne concerne pas seulement la politique, mais aussi les institutions de formation et l’Église sous son aspect institutionnel. Ils la souhaiteraient plus proche des gens, plus attentive aux problèmes sociaux, mais ne comptent pas que cela advienne dans l’immédiat.
Tout cela se déroule dans un contexte où l’appartenance confessionnelle et la pratique religieuse deviennent toujours plus les traits d’une minorité et où les jeunes ne se situent pas « contre », mais sont en train d’apprendre à vivre « sans » le Dieu présenté par l’Évangile et « sans » l’Église, sinon à se confier à des formes de religiosité et de spiritualité alternatives et peu institutionnalisées ou à se réfugier dans des sectes ou des expériences religieuses à forte matrice identitaire. En bien des endroits, la présence de l’Église est moins étendue et il est plus difficile de la rencontrer, alors que la culture dominante est porteuse d’éléments souvent en contraste avec les valeurs évangéliques, qu’il s’agisse d’éléments de sa propre tradition ou de la déclinaison locale d’une mondialisation marquée par la consommation et l’individualisme.
Vers une génération (hyper) connectée
Les jeunes générations sont aujourd’hui caractérisées par le rapport avec les technologies modernes de la communication et avec ce que l’on appelle communément le « monde virtuel », mais qui comporte aussi des effets bien réels. Celui-ci offre des possibilités d’accès à une série d’opportunités que les générations précédentes n’avaient pas et, en même temps, il présente certains risques. Il est très important de mettre en évidence le fait que l’expérience de relations relayées technologiquement structure la conception du monde, de la réalité et des rapports interpersonnels ; c’est à cela qu’est appelée à se confronter l’action pastorale, qui a besoin de développer une culture adéquate.
Anne et Charles nous partagent ce qu’ils ont vécu à travers la mission confiée dans la préparation du Synode des jeunes.
Qui êtes-vous ? Comment vous êtes-vous retrouvés impliqué dans cette mission de préparation du Synode des jeunes ?
A la fin de nos études respectives (sciences politiques pour Charles, commerce pour Anne), nous avons chacun recherché une première expérience professionnelle qui puisse porter du sens, qui nous permette de vivre en cohérence notre vie professionnelle et nos valeurs personnelles. Charles s’étant impliqué dans la vie de l’aumônerie de son université, Anne ayant participé à l’organisation des JMJ de Cracovie, mettre nos compétences au service de l’Eglise de France et de grands projets pastoraux à destination des 18-35 ans nous est apparu comme une chance.
Vous avez vécu des rencontres de préparation en France, à Rome ou ailleurs, pouvez-vous partager l’une ou autre belle découverte ?
Il y a bientôt deux ans, c’est avec grande joie que nous apprenions que le Pape souhaitait consacrer le prochain synode des évêques, à nous, les jeunes ! Ce synode aura lieu du 3 au 28 octobre 2018 à Rome, il réunira plusieurs centaines de pères synodaux dont quatre évêques français. Nous savons l’importance que revêtent les synodes depuis le pontificat de François : « le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend du l’Eglise du troisième millénaire » déclarait-il d’ailleurs en octobre 2015, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’institution du synode des évêques.
Nous avions naturellement l’un et l’autre beaucoup entendu parler des synodes sur la famille via les médias, mais nous ignorions tout ou presque de leur fonctionnement. Nous pouvons témoigner aujourd’hui qu’une Eglise synodale est une Eglise qui a conscience qu’écouter est bien plus qu’entendre. En effet, en mars dernier, nous avons eu la joie avec 300 autres jeunes du monde entier, de prendre part au pré-synode convoqué par le Pape François qu’il a introduit en ces termes : « vous êtes invités parce que votre apport est indispensable. Nous avons besoin de vous pour préparer ce synode. A de nombreux moments de l’histoire de l’Eglise, comme aussi dans de nombreux épisodes bibliques, Dieu a voulu parler par le biais de plus jeunes. Dans les moments difficiles, le Seigneur fait avancer l’histoire avec les jeunes. Ils disent la vérité, ils n’ont pas honte ». Nous avons alors compris que ce pré-synode auquel nous participions n’était pas une façade, mais découlait d’une véritable volonté du Pape de permettre au public le plus concerné par ce synode, en l’occurrence les jeunes, d’être consultés en amont afin que les évêques réunis en octobre puissent partir de textes en phase avec le réel. Nous sommes heureux d’avoir remis au Pape, le dimanche des Rameaux place Saint-Pierre, un document qui synthétise l’ensemble des échanges que nous avons eu avec les autres jeunes durant le pré-synode. S’il fallait ne retenir qu’une seule citation de ce document, ce serait celle-ci : « Au-delà des processus de décisions institutionnels, nous voulons être une présence joyeuse, enthousiaste et missionnaire au sein de l’Eglise […] Actuellement, il s’agit d’un potentiel inexploité, car la créativité de l’Eglise est souvent l’apanage des membres plus âgés. »
Quelle est votre vision de l’avenir, et en quoi ce synode des jeunes et l’Eglise peuvent-ils y répondre ?
Ce que nous constatons, c’est que les jeunes ont soif de spiritualité et d’intériorité. Notre génération est à la recherche d’espaces qui lui permettent de vivre de cet élan. Nous avons le désir de nous engager dans des projets qui font sens, de donner de notre temps, de vivre de nos valeurs, et pour les chrétiens, l’Eglise est tout naturellement un lieu qui nous propose de répondre à ces aspirations. Scoutisme, JMJ, pèlerinages, animation liturgique, service de l’autel sont des espaces fondateurs de notre Foi, qui nous proposent des responsabilités qui font écho à notre désir d’engagement.
Beaucoup de jeunes interrogés dans le cadre de la préparation du synode relèvent le désir de mettre leur énergie, leur jeunesse et leurs compétences au service d’initiatives missionnaires. Nous demandons le soutien de l’Eglise dans ces démarches qui peuvent bousculer les habitudes.
Si les jeunes ont des aspirations parfois opposées, nous voulons tous une Eglise qui suscite le débat, qu’elle nous ouvre des espaces de dialogue constructifs, qu’elle soit le vecteur commun qui nous rassemble dans notre diversité et permette la rencontre des générations entre elles. Dans un monde où les jeunes chrétiens sont minoritaires et où nous pouvons être tentés de définir notre appartenance religieuse par opposition, nous aspirons à une Eglise unie qui déplace les clivages pour se ré-ancrer dans le Christ.
Pour nous, un des autres enjeux de ce synode réside bien sûr dans le rapprochement de l’Eglise et des jeunes. Notre méconnaissance du fonctionnement ecclésial et le traitement souvent unilatéral des informations par les médias, nuisent à notre perception de l’Eglise. De cette réflexion commune entre jeunes et évêques, nous attendons une clarification de nos relations qui permette un rapprochement, une compréhension mutuelle, un travail commun dans lequel chacun se reconnaisse. Pour notre génération, il est primordial que l’Eglise en tant qu’institution soit exemplaire, vraie, crédible, cohérente, irréprochable. C’est seulement dans ces conditions que nous aurons le désir de vivre du message qu’elle porte.
Enfin, nous vivons dans un monde globalisé qui place au cœur de nos vies des questions identitaires : professionnelles, religieuses, culturelles, sexuelles et affectives… La liberté qui est aujourd’hui la nôtre dans l’appréhension de ces choix peut parfois nous laisser démunis. Nous attendons de l’Eglise un soutien dans notre discernement vocationnel c’est-à-dire notre réflexion sur l’humain, la Foi, la vie, l’amour : un discours concret et un accompagnement spirituel qui rejoint chacun mais également des espaces d’accueil et de rencontres qui nous permettent de nous sentir écoutés et compris sans jugement.
Anne et Charles
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De nombreuses paroisses et mouvements de jeunes expérimentent comment rejoindre les jeunes, les accompagner, les aider grandir et se situer dans notre société.
Nous relayons deux projets de la famille ignatienne (réseau magis) :
: c’est une maison ouverte en plein cœur de Paris qui cherche à rejoindre les jeunes adultes dans leur vie spirituelle, professionnelle et sociale. Les accompagner dans un esprit de collaboration, de solidarité et de bienveillance. Leur offrir la possibilité de partager des temps forts, de collaborer, d’oser la rencontre, d’apprendre des autres et de s’investir, chacun selon son talent, pour animer ce lieu. Vivre l’interculturel et expérimenter de nouvelles manières d’être et de travailler ensemble.
L’année DECLIC : partout en France, une année pour y voir plus clair, pour unifier sa vie et pouvoir poser les bases d’un bon discernement pour une vie davantage ouverte au Christ ; tout en continuant ses études ou son travail, en restant dans ce qui fait le quotidien des jours.
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Seigneur Jésus,ton Église qui chemine vers le synodeTourne son regard vers tous les jeunes du monde.Nous te prions pour qu’avec courageils prennent en main leur vie,qu’ils aspirent aux choses les plus belles et les plus profondeset qu’ils conservent toujours un cœur libre.Aide-les à répondre,accompagnés par des guides sages et généreux,à l’appel que tu adresses à chacun d’entre eux,pour qu’ils réalisent leur projet de vieet parviennent au bonheur.Tiens leur cœur ouvert aux grands rêveset rends-les attentifs au bien des frères.Comme le Disciple aimé,qu’ils soient eux aussi au pied de la Croixpour accueillir ta Mère, la recevant de Toi en don.Qu’ils soient les témoins de ta RésurrectionEt qu’ils sachent te reconnaître, vivant à leurs côtés,annonçant avec joie que Tu es le Seigneur.Amen.