Le 30 septembre, le Pape François a publié une lettre apostolique en forme de motu proprio, c’est-à-dire de sa propre initiative. Que contient cette lettre ? Quels en sont les éléments principaux ? Joëlle Ferry, bibliste, nous la présente.

 

Par cette lettre apostolique parue le jour de la fête de saint Jérôme – patron des exégètes -, le Pape François institue un dimanche de la Parole de Dieu (le 3ème dimanche ordinaire) et invite les évêques à célébrer le rite du lectorat ou un ministère similaire pour des fidèles, hommes et femmes. Ces deux points concrets ont retenu l’attention des media. Mais il ne s’agit que de quelques lignes ! La plus grande partie de ce texte est une méditation sur l’importance de la Parole de Dieu et une invitation à la lire, méditer, célébrer.

Que signifie le titre de cette lettre apostolique ?

Aperuit illis, « il leur ouvrit » l’intelligence pour comprendre les Ecritures (Lc 24,47). Ce verset du récit d’Emmaüs, en tête de la lettre du Pape, nous invite à visiter. la place de la Parole de Dieu dans le christianisme.

Le Pape François inscrit sa méditation dans une continuité en prenant appui sur l’Ecriture elle-même : le récit des disciples Emmaüs où le Christ invite à une relecture de leur histoire, la lecture de la loi par Néhémie au retour d’exil. Il poursuit dans le sillage de grands textes du magistère : la constitution du concile Vatican II sur l’Ecriture (Dei Verbum) et l’exhortation apostolique de Benoît XVI Verbum Domini (Parole du Seigneur) à la suite du synode de la Parole de Dieu de 2008.

Quelles sont les principales affirmations du Pape ?

 « Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ » écrivait saint Jérôme. C’est dire que « la relation entre le Ressuscité, la communauté des croyants et l’Ecriture sainte est extrêmement vitale pour notre identité. » Le concile Vatican II avait souligné qu’il y a « deux tables » dans la célébration eucharistique : la table de la Parole et la table du corps et du sang du Christ. Il s’agit de manger à la fois la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ, comme le souligne l’Evangile de Jean. Ecriture et sacrements sont inséparables.

 La Bible est le livre du peuple de Dieu tout entier et non le patrimoine de quelques-uns ! Il est urgent que les croyants écoutent la Parole de Dieu tant dans la liturgie que dans la prière et la réflexion personnelle.

L’Ecriture a une fonction prophétique : elle demeure toujours nouvelle, que ce soit en suscitant chez le croyant douceur ou amertume, comme le dit le prophète Ezéchiel ; elle concerne aujourd’hui la charité car elle ouvre les yeux, appelle à sortir de l’individualisme et à pratiquer partage et solidarité.

C’est ainsi que la foi se fonde sur une parole vivante, c’est-à-dire qui fait vivre.

C’est de ce regard sur la Parole de Dieu que découle la décision du pape de créer un « dimanche de la Parole » et d’instituer un ministère de la lecture de cette Parole pour rappeler l’importance de la proclamation de la Parole de Dieu dans la liturgie.

 

Quels sens donner à ce dimanche de la Parole et au rite du lectorat ?

Le dimanche de la Parole aura pour but de faire grandir chez tous « l’assiduité familière » avec les Ecritures, de comprendre l’inépuisable richesse de ce dialogue entre Dieu et son peuple. Il est placé en janvier, dans le cadre de la semaine de l’unité des chrétiens. le Pape manifeste ainsi la dimension œcuménique de la Parole de Dieu.

Quant au rite du lectorat, il a été institué par Paul VI en 1972 mais était jusque-là réservé aux futurs prêtres. François l’ouvre aux fidèles. On pourrait s’étonner de cette ouverture tant il est vrai que pratiquement, dans nos paroisses, les chrétiens, hommes et femmes, proclament déjà la Parole de Dieu au cours de la liturgie ! Certains diront : cela ne change rien ! D’autres, et c’est sans doute le propos du Pape, y verront une confirmation publique et officielle de ce qui se vit déjà, une insistance. L’important est que ceux et celles qui lisent comprennent bien la Parole de Dieu, se préparent à sa lecture pour mieux l’annoncer.

François, dans ce motu proprio, poursuit la réforme de l’Eglise en nous appelant vigoureusement à être plus familiers de l’Ecriture et en suscitant une participation active des fidèles, femmes et hommes.