Alors que la liturgie nous fait entrer dans le « temps ordinaire », petit retour sur ce que la fête de Noël nous dit de l’espérance. « Elle naît du cœur pour nous donner d’agir dans le monde », rappelle Christine Danel dans cette Tribune parue dans La Croix.

Tribune parue le 5 janvier 2022 dans le journal La Croix

En ce début d’année, il y a des raisons d’espérer, et nous pressentons dans le même temps que ces raisons sont bien fragiles !

La vaccination contre le Covid, élaborée et mise en place en un temps record dans l’histoire de la médecine, permet d’atténuer les effets de la maladie et sa contagiosité. Certes la course-poursuite n’est pas finie entre les nouveaux variants du Covid et le nombre de personnes vaccinées. Nous voici à nouveau devant la menace d’une paralysie de la vie économique et sociale, de surcharge des lits d’hôpitaux, dont le personnel de santé est à bout de souffle.

Le courage de certains pour dénoncer les conditions de vie des personnes migrantes par une grève de la faim nous rappelle la dignité de tout être humain. Celle-ci a besoin d’être rappelée, redite avec force, quand tant de personnes finissent leur vie dans des embarcations de fortune, cherchant à fuir l’insécurité, la famine, l’absence d’avenir en Afrique, au Moyen-Orient, au Liban, en Syrie… le plus souvent dans l’indifférence générale.

En Église en France, la qualité du travail fait par la Ciase a permis la mise en lumière des dysfonctionnements de l’institution, et a surtout ouvert un espace de parole possible aux personnes victimes, donnant d’espérer un chemin de reconnaissance et de réparation. Les critiques n’empêcheront pas la parole de faire son chemin et la vérité des faits d’advenir au jour.

Le Synode qui démarre donne des occasions aux chrétien (ne) s de se parler, d’échanger, de dire leurs attentes, leurs espoirs, leur désir d’une Église ouverte, bienveillante, permettant à chacun d’être missionnaire de la Bonne Nouvelle. Certes, les débats sur la liturgie mettent aussi en lumière des ecclésiologies sous-jacentes variées et parfois contradictoires, rendant le dialogue dans l’Église elle-même difficile.

Mais est-ce que l’espérance naît parce qu’il existe des raisons d’espérer ? Ou bien, au contraire, comme dit saint Paul, est-ce que « voir ce que l’on espère ce n’est plus espérer » ? On peut avoir de bonnes raisons d’être optimistes, si la probabilité que se produise tel ou tel événement est élevée… Mais l’espérance est d’un autre ordre. Elle vient toucher le cœur de notre être. Elle ne vient pas des événements extérieurs, mais elle naît du cœur pour nous donner d’agir dans le monde.

L’espérance vient toucher le cœur de notre être. Elle ne vient pas des événements extérieurs, mais elle naît du cœur pour nous donner d’agir dans le monde.

L’espérance comme une naissance

À Noël, la naissance de l’enfant Dieu résonne comme une bonne nouvelle ! Sa naissance pourtant ne changera rien à l’oppression de l’occupant romain, ni aux pouvoirs politiques et religieux de l’époque qui l’ignorent et même, quelques années plus tard, feront tout pour éliminer Jésus. Et pourtant, le monde est profondément bouleversé par cette naissance humble, fragile, vulnérable, ce petit d’homme qui nous parle d’un Dieu proche de nous, né dans la pauvreté et reconnu par les pauvres. Quoi de plus fragile qu’un nouveau-né ? Il ne peut rien sans l’attention de ses parents, des autres, dépend d’eux en tout et pour tout. C’est d’eux qu’il apprendra le langage, la manière de se tenir, de lire la loi, de vivre en bonne intelligence avec les autres, d’aimer…

Nous avons bien souvent des listes de désirs et d’attentes bien concrètes. Que je ne tombe pas malade, que je réussisse tel examen, que je puisse mener à bien mes projets professionnels, que ma vie affective et sentimentale trouve un épanouissement, etc.

Or, ce qui se passe cette nuit-là est bien plus grand et nous comble au-delà de toute attente ! C’est quelque chose de merveilleux qu’un être vienne au monde ! Une naissance ouvre des possibles, réalise une promesse, illumine de l’intérieur, donne joie, allégresse, là où extérieurement il y a parfois peu de raisons de se réjouir. Noël n’est pas une fête doucereuse, pleine de bons sentiments et de chants de notre enfance, elle est l’irruption de la vie de Dieu dans notre monde de ténèbres.

Comme la consolation décrite par Ignace de Loyola, la vie et l’espérance sont des dons reçus. L’espérance est comme une naissance, elle ouvre un passage et vient bousculer ce qui était prévu, bien organisé, bouclé et parfois bouché selon nos prévisions ! Elle redonne le goût d’avancer, le courage de s’engager, les forces pour aller de l’avant malgré les vents contraires. Cette force intérieure est donnée pour vivre le temps présent. Elle nécessite aussi de faire une place dans nos vies, dans nos cœurs à la réalité de l’enfant qui naît, ce qui est fragile, en nous et autour de nous…

Laisser la lumière de la vie naître

Quelques jours après Noël, la liturgie propose la fête des Saints Innocents, ces enfants assassinés par un tyran qui a peur d’être délogé de son trône à cause de la naissance d’un roi annoncé par les mages. Cette fête m’a toujours paru incongrue, voire gênante. Nous venons de célébrer Noël, avec la joie, la lumière, la paix annoncée. « Gloire à Dieu et paix aux hommes de bonne volonté. » Et deux jours après, nous faisons mémoire de ces enfants dont la vie a été anéantie, brisant aussi celle de leur famille, pas sans échos avec celle de toutes les victimes d’abus de toutes sortes de par le monde.

« Un long cri s’est fait entendre, c’est Rachel qui pleure ses enfants car ils ne sont plus, et qui ne veut pas qu’on la console. » La réalité de la souffrance et de la perte rend inconsolable. Comment faire place à la réalité de la souffrance qui cohabite si souvent avec la joie de la naissance ? Il y a des douleurs inconsolables que Dieu vient adoucir par sa lumière et sa présence.

C’est sans doute tout l’enjeu de chaque jour que de laisser la lumière de la vie, douce, subtile, fragile, naître et renaître, là où les forces de la violence et de la mort cherchent à la détruire et à l’annihiler.

Bonne année 2022, pleine d’espérance à puiser au profond de l’être, là où Dieu naît en nous, pour se donner !

Sr Christine Danel, supérieure générale de La Xavière