En ce 2ème dimanche de l’Avent, Geneviève Roux nous propose de contempler le vitrail de l’arbre de vie, dans la chapelle des Cordeliers de Sarrebourg.

Une scène retient notre attention, car elle est rappelée dans la deuxième lecture de ce dimanche : « Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâturage, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra, sur le trou de la vipère l’enfant étendra la main. Il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu sur ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. » (Is 11)

Méditation

Au commencement il y a le bleu ; bleu céleste ou bleu océan ? Un bleu traversé de courbes et d’élans derrière le quadrillage des portants du vitrail. Nous voici plongeurs au creux des vagues.

Dans ce bleu surgit un immense bouquet multicolore. Comme un feu de la Saint Jean, il porte haut sa flamme.
« C’est l’arbre de toutes les sèves, de toutes les ramures, de tous les feuillages, de toutes les couleurs, l’arbre de tous les rêves, de tous les amours, de toutes les promesses. » Voici l’arbre de vie. 

Il est planté dans le jardin d’Eden.

Dans ce jardin, le Seigneur Dieu introduit Ish et Isha (l’homme et la femme) pour qu’ils le travaillent et le gardent.
Dans l’éclatement des couleurs au printemps, ils dansent de joie dans une clairière ensoleillée. Avec eux la création toute entière s’ouvre et vibre dans la lumière.

Tournés l’un vers l’autre, ils sont ensemble image de Dieu, témoins et sujets de l’Amour d’où ont jailli le monde et la vie.

Mais dans cette exultation de fleurs et de fruits, déjà un serpent s’est glissé et Adam tient dans sa main droite le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, mêlé ici à l’arbre de vie.
Sous leurs pieds s’ouvre un abîme dans le bleu profond de la nuit. En son centre, un œil redoutable. Œil de la conscience ? Œil de Dieu ? Au cœur même de l’arbre de vie, le mystère du mal est présent. Vont – ils glisser à tout jamais dans ce gouffre ouvert par le serpent ?

Au-dessus d’eux, un ange accourt, revêtu de vert  des ailes à la tunique. Vient-il pour les chasser du paradis ou pour annoncer qu’un salut est possible ?
De l’autre côté de l’abîme, un autre plongeur apparaît. Deux rayons jaillissent de sa tête : c’est Moïse, qui transmet de la part de Dieu la loi qui conduit à la vie.

Au pied de l’arbre, adossée à son tronc, une femme avec son enfant, veille. Elle préfigure la longue lignée humaine d’où sortira le rejeton annoncé par le prophète Isaïe (Is 11, 1-2) Oui ! Dieu attend dans les racines. Le chemin de la vie n’est pas fermé.

Un chemin est tracé dans le bleu froid de nos hivers

et la création toute entière attend le salut de Dieu.

Déjà, la lumière brille dans les ténèbres et illumine nos visages.

Voici maintenant les tables de la loi : une loi pour la paix. Des rameaux d’olivier dansent sur le ciel et les oiseaux chantent.
Au-dessus des tables de la loi, un candélabre d’or pur, la ménorah :  elle n’a que trois branches. Elle vient « éclairer nos visages » et ouvrir nos cœurs à la lumière de Dieu.
A coté de la Ménorah, l’agneau immolé et vainqueur.

Un autre agneau, tout en bas de l’image à droite, semble veiller sur un bébé. Au-dessus d’eux, un grand serpent vert, un loup et un enfant qui danse. Puis un lion et un veau et peut-être un ours. Tout en haut, un être ailé étend sur eux sa bénédiction.

Écoutons le prophète Isaïe :  « Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même pâturage, leurs petits auront même gîte. Le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra, sur le trou de la vipère l’enfant étendra la main. Il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu sur ma montagne sainte ; car la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer. »

Et voici Isaïe, celui qui reçoit cette vision de paix. Son habit est vert espérance,  son visage est éclairé par le livre qu’il tient à la main. Il décrit symboliquement la nouvelle Terre promise. Il nous invite à « convertir toute hostilité en tension fraternelle » en entrant dans l’Alliance avec le créateur. Et les disciples accourent, mains ouvertes, recueillis et joyeux.

De l’autre coté de l’arbre, presqu’au sommet, d’autres  disciples écoutent cet homme vêtu de soleil, au visage lumineux qui leur parle, debout, mains ouvertes. L’un d’eux se prosterne, l’autre veut le toucher. Il leur dit : « Heureux les pauvres de cœur :le Royaume des cieux est à eux ! Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu ! »

Le voici, le Prince de la Paix !

Jésus entre dans Jérusalem, la cité du roi David, monté sur un ânon, la monture des humbles. Devant lui, on étend des manteaux, on se prosterne, ou l’on danse de joie. La ville toute entière est en fête.
Et David se mêle à la cette acclamation. Par avance, il a reconnu en Jésus son Seigneur, il tressaille en le voyant s’approcher et, de joie, il chante et joue de la harpe à dix cordes.

Autour d’une figure, revêtue d’une longue robe, trois anges se pressent. L’un déploie ses ailes de lumière et semble danser. L’autre ouvre la main en signe d’invitation, le troisième se penche sur l’homme avec délicatesse. C’est Lot, le neveu d’Abraham, que trois anges viennent chercher à la prière de celui-ci pour le sauver de la destruction de Sodome.
Et ce groupe forme comme la terre dans laquelle s’enracine la croix. Le Christ bleu ouvre large les bras.

Au pied de la croix un homme et une femme qui porte un enfant nu.
Sur la gauche une échelle sur laquelle est monté un homme armé d’un marteau.

 « Je monterai avec toi sur l’échelle de Jacob », dit un poème de Chagall. Ici s’accomplit le songe de Jacob. La véritable échelle qui relie le ciel et la terre, c’est la croix du Christ.

La figure du crucifié traverse toute l’œuvre de Chagall. Il est pour lui la figure emblématique de son peuple et de toute l’humanité souffrante. « Ce sont nos souffrances qu’il portait ».

Sur la droite, un ange descend en looping, un autre accourt sur un cheval.

Voilà ! Tout est en place et rien n’est statique.

Sur l’azur de l’espace, chacun tour à tour, danse, plonge, vole, se prosterne, se relève, escalade, dans le tourbillon flamboyant de la vie,

Les messagers de Dieu s’affairent pour que chacun entende sa Parole. Laissons-nous toucher par Elle. Qu’elle vienne éclairer les replis de nos cœurs. Que le chant des sources se fasse entendre à nos oreilles.

Texte : Geneviève Roux, inspiré par Éloi Leclerc : « Un vitrail pour la paix » (Mame 2001)