Sonal est directrice du « Campus Ministry » (pastorale universitaire) à l’Université Saint Michael’s Collège à Toronto. Elle nous partage la démarche synodale réalisée dans cette université qui accueille près de 5000 étudiants.

Sonal, comment as-tu été impliquée dans la démarche synodale ?

J’ai créé un groupe de travail à l’université. Il comprenait des étudiants, des membres de la faculté, des partenaires communautaires et des paroissiens. Nous avons délibéré pendant quelques mois sur la manière d’atteindre les différents groupes de l’université – étudiants, personnel, professeurs, membres de la communauté, anciens diplômés et paroissiens.

Qu’avez-vous décidé de mettre en œuvre ?

A cause de la pandémie et du confinement, il fallait que nous soyons créatifs pour que le plus grand nombre de personnes puisse s’exprimer.

Pour les étudiants, les réunions en visio étaient déjà trop fréquentes et nous avons donc choisi de privilégier les réunions en « présentiel ». Grâce à l’équipe de la vie étudiante, nous avons pu organiser des groupes étudiants. L’information s’est faite par les réseaux sociaux et aussi par une information directe à l’entrée du campus pour rejoindre ceux et celles qui y vivent.

Notre projet prévoyait des réunions pendant cinq semaines autour des valeurs de l’université qui sont : la communauté, la justice sociale, le service, la dignité humaine, et la persévérance. Les étudiants étaient invités à découvrir ces valeurs, à échanger autour d’elles et à les faire leur. Le partage des fruits de ces réunions pouvait se faire par Instagram ou par tableau d’affichage. Le but était que les étudiants connaissent ces valeurs et y adhèrent.

Un sondage en ligne était aussi possible pour les gens qui voulaient rester anonymes.

Quelle pédagogie avez-vous choisi pour ces rencontres ?

Nous avons choisi d’utiliser la méthode de la « conversation spirituelle ». Cette méthode est inspirée de saint Ignace de Loyola.

« Quand saint Ignace rencontrait des gens, il partait toujours du point où ils en étaient, même si le point de départ était très éloigné de la foi ou de l’évangile. Quand il prenait la parole c’était pour passer à un niveau spirituel, pour permettre à ses interlocuteurs de cueillir les fruits de l’Esprit à l’œuvre dans ces propos, à savoir : la paix, la joie, la bienveillance, la réconciliation, la bonté, l’amour du prochain…
Le but est de dire quelque chose de moi pour que l’autre puisse s’en nourrir. Ce n’est possible que dans un climat de confiance et de discrétion qui garantit que la parole partagée ne sera par dévoyée. » (Guy Lesage sj)

Douze groupes ont suivi ce parcours selon cette méthode.

Qu’est-il ressorti de toutes ces rencontres ?

Trois sujets sont revenus assez rapidement dans nos conversations spirituelles : la communauté, une plus grande formation intellectuelle de la foi et le rôle de la paroisse aujourd’hui.

1. La communauté

De nombreux participants aux conversations spirituelles et au sondage – de toute la communauté St. Mike’s – ont souligné l’importance de la communauté dans leur cheminement de foi.

Comment favoriser les liens communautaires plus qu’auparavant ? Comment créer des espaces pour les paroisses locales, les administrations universitaires…? Comment permettre aux personnes d’être plus actives et engagées ? Comment peuvent-elles se sentir davantage chez elles dans leurs communautés ecclésiales ?

2. L’intelligence de la foi

Le désir d’une formation intellectuelle plus rigoureuse dans le domaine de la foi est l’un des éléments les plus cités (sinon le plus) par les membres de la communauté de St. Mike’s. D’après la façon dont les différents groupes ont discuté de ce sujet, les gens pensent que l’intégration de plus d’opportunités de formation à la foi dans la communauté de St. Mike’s permettrait à tous les catholiques pratiquants de la communauté de devenir de meilleurs représentants de la foi. Par exemple, nous pourrions devenir plus confiants dans notre propre foi, mieux à même de la partager avec d’autres, mieux à même d’être ouverts à l’écoute et à l’apprentissage d’autres traditions spirituelles tout en étant ancrés dans la nôtre, et mieux à même de la défendre contre des critiques malavisées ou injustes.

Nous nous sommes rendu compte que certaines des relations polarisées dans l’Église et la société politique d’aujourd’hui peuvent aussi provenir d’une compréhension superficielle de la religion. Une formation intellectuelle de la foi pourrait aider à approfondir et à élargir notre compréhension et notre place pour être de meilleurs partenaires de dialogue.

Inversement, les membres non pratiquants de la communauté auraient l’opportunité de découvrir la foi catholique, ce qu’elle croit, et pourquoi elle le croit. On peut espérer que cela conduira à une plus grande compréhension et appréciation de la mission de l’Église et de sa place dans la société.

3. Interrogations sur la place et rôle d’une paroisse aujourd’hui

C’est la réponse la plus critique qui est venue de nombreux groupes. Accentuées par la pandémie, de nombreuses questions ont été soulevées sur le rôle et les besoins des paroisses locales aujourd’hui, au-delà de la relation utilitaire en tant que dispensateur de sacrements.

Pendant la pandémie, la plupart des participants ont reçu plus de réconfort et de consolation dans leur foi de la part de mouvements laïcs (Communion et Libération, Communauté de Vie Chrétienne, Opus Dei, Laïcs Dominicains, pour n’en citer que quelques-uns) et de relations sociales et familiales que de leur paroisse locale.

Comment la démarche se poursuit-elle ?

Ici à St. Mike’s, nous sommes inspirés par l’histoire et l’héritage de l’éducation catholique à travers les Pères Basiliens, les Sœurs de Loretto et les Sœurs de St. Joseph. Nous sommes inspirés aussi par Laudato Si et Fratelli Tutti qui parlent de relations humaines authentiques. Nous soulignons l’importance de la communauté et de l’appartenance mais pas seulement au niveau superficiel.

Le désir est de créer une communauté et une appartenance en forgeant des liens et des relations qui dépassent les différences religieuses, politiques et morales pour créer un espace de courage, de curiosité et de dialogue intelligent et enraciné dans une foi vivante. Les conversations spirituelles ont mis cela en lumière et les réponses au sondage ont montré un plus grand besoin de cela dans l’Église et la société d’aujourd’hui.

Les universités et collèges catholiques – en tant que visage particulier de l’Église catholique – devraient être à l’avant-garde de la construction de ponts. Ils devraient créer des espaces de conversation qui permettent que tous les niveaux d’affiliation – étudiants, professeurs, personnel, diplômés, donateurs, direction – soient mis, par leur foi, au défi de devenir des acteurs et de la partager au-delà des périphéries du monde universitaire.

Les prochaines étapes pour poursuivre l’esprit et la conscience de la synodalité seront d’encourager ces groupes à poursuivre l’échange par le biais de conférences, de formation intergénérationnelle, d’événements de sensibilisation sociale et de colloques, organisés par à l’université. Ceci sera ainsi au service l’Église et en partenariat avec la société dans et au-delà de ses frontières.

Partage sur le sens de la justice sociale