La communauté de xavières qui habite depuis cinq ans dans le dixième arrondissement de Paris est une communauté d’aînées. Elles ont entre 72 et 89 ans. Leur mission ? Cultiver la rencontre.
Les xavières de Paris X

Dans un quartier où vivent des communautés ethniques et religieuses très diverses et où se vivent de grandes pauvretés elles essaient d’accueillir et d’accompagner celles et ceux dont elles croisent la route en lien avec les nombreuses associations qui y œuvrent.

Denise, Marie-Paule et Thérèse ont vécu de nombreuses années en Côte d’Ivoire et au Tchad, Marie-Sylvie, a eu une longue carrière médicale, cela les a préparées aux déplacements culturels que nécessite la rencontre de personnes venues de loin.

Des engagements divers mais partagés

Chacune selon son appel s’est engagée dans une association ou un service.

Le PASS de l’hôpital Saint-Louis avec Marie-Sylvie

Lorsque la communauté s’est installée dans le quartier Marie-Sylvie, médecin, s’est engagée à la permanence d’accès aux soins de santé (PASS) qui accueille les malades sans papiers à l’hôpital Saint Louis.

« Cette année, ayant atteint « l’âge canonique » de 72 ans, je ne peux plus consulter à l’hôpital St Louis ! Par contre quelques malades dont je me suis particulièrement occupée avec l’aide d’associations et de la communauté sont encore en grande difficulté, n’ayant pas obtenu leur autorisation de séjour en France. D’autres admis en France sont en recherche de logement, de travail, de soins… Ils ont besoin d’être rassurés, encouragés, aidés pour mieux parler français, mais aussi pour la lecture et la compréhension des documents qu’ils reçoivent. Ils ont besoin d’être accompagnés lors de démarches difficiles. Sans prendre le rôle des associations avec qui nous sommes en lien, j’essaie comme chacune de la communauté de répondre à leur demande d’un peu de soutien, d’amitié et d’espérance. »

Le « café papotte » du Secours catholique avec Thérèse

« Je continue à participer au « café papotte » pour l’accueil des personnes exilées au Cèdre du Secours catholique. Dans l’équipe de bénévoles je suis plutôt la grand-mère avec qui on peut jouer au domino, apprendre le tricot, parfois construire quelques mots français avec l’alphabet, ou à qui on confie une fermeture-éclair à coudre car, pour la nuit dans la rue, mieux vaut avoir un blouson fermé. Or ces « petits enfants » d’adoption sont entre 70 et 80 par après-midi venant surtout du Maghreb en ce moment, ou de l’Afrique de l’Ouest. C’est un bain de fraternité dont je reçois beaucoup et qui demande souplesse, écoute et créativité avec cependant la difficulté de la langue pour communiquer.

… et le Cised à Saint-Denis !

« Demain je serai au CISED (le Centre d’initiatives et de services des étudiants de Saint-Denis) avec un étudiant sénégalais en Sciences de l’éducation que j’aide pour la rédaction de son mémoire de Master de l’Université Paris 8 à St Denis. Le CISED est souvent pour ces étudiants étrangers le seul lieu où se fait l’initiation à la culture française. Beaucoup aimeraient être invités dans des familles françaises, mais celles-ci sont difficiles à trouver. »

Les Restos du Cœur de Paris  9ème  avec Denise

« Depuis 3 ans ½ je suis bénévole dans l’une des antennes de cette association sise tout près de chez nous. Selon la Charte des Restos l’accueil se veut toujours inconditionnel. Il n’est pas question de refuser quelqu’un. Au cours d’une session de formation au siège, j’ai appris à utiliser un vocabulaire adapté à notre public : les cours s’appellent des ateliers, les élèves des apprenants, les professeurs des animateurs, plus d’examen mais une progression. Mon groupe oscille entre 4 et 8 analphabètes migrantes pour la plupart, logées dans de petits hôtels du quartier. Il est bien facile de comprendre leur irrégularité vu leurs difficultés pour subsister et les problèmes insolubles des «papiers».

Marie-Paule

Engagée à la Cimade avant le Covid, elle reçoit toujours leurs lettres d’informations sociales. Elles les dépouille et les transmet à la communauté. Elle participe aussi activement à l’accueil dans leur appartement.

Accueillir, accompagner, tisser des liens

Chacune est attentive à tout ce qui se vit autour d’elle. Et cela suscite de nombreux échanges communautaires.

« En fait, nous mettons en commun nos divers réseaux, et cela est d’une efficacité surprenante. Par exemple nous avons découvert l’association Quartier partagé par un malade de la Maison médicale Jeanne Garnier. Nous alertons une juge en droit de l’immigration que l’une de nous connaît pour une régularisation de papiers… En quatre ans nous sommes passées de la bonne volonté à une compétence. Il y a une cohérence dans les démarches à entreprendre, une connaissance des circuits à acquérir. Nous nous entraidons vraiment entre nous.

Et nous suivons des personnes sur un long temps, telle Aminata venue du Mali après un long périple de 5 ans, Moussa venu des Comores. On est avec eux, on subit avec eux (l’annonce d’un énième refus de carte de séjour par exemple) et nous les nommons et nous prions pour eux dans notre oratoire.

Nous cherchons aussi à tisser des liens avec les voisins, dans cet immeuble qui compte 183 logements, dont un grand nombre de studios où les locataires restent peu de temps. Le « turn over » des résidents est impressionnant ! Alors comment aller au-delà des « bonjour » et « au revoir » en sortant de l’ascenseur ? »

La communauté invite à des goûters ou à la galette des rois elle s’équipe en jouets pour accueillir les enfants. Petit à petit des liens se font.

« C’est une chance pour nous, à cet âge de la vie d’être en petite communauté dans ce quartier. Cela nous rappe spirituellement mais ces pauvres nous ouvrent les yeux. Ils nous évangélisent.»