Fratello

Fratello, ce qui s’est vécu dans la délégation d’Hambourg

Pour clore l’année du jubilé de la Miséricorde, le Pape François a invité à Rome les personnes en situation de fragilité sociale du 11 au 13 novembre 2016. 4 500 personnes se sont mises en chemin, venant de 22 pays européens.
Un groupe d’une centaine de personnes est parti d’Hambourg (Allemagne) : 65 personnes en situation de précarité et 35 accompagnateurs : médecins, infirmiers, travailleurs sociaux, bénévoles, accompagnateurs spirituels.

Au programme, il y avait : une audience et une messe à la basilique Saint-Pierre avec le Pape, des témoignages et célébrations dans les différentes langues, une procession aux flambeaux et une veillée de la miséricorde à Saint-Paul-hors-les-murs, et entretemps un peu de temps libre pour profiter de la ville éternelle, ensoleillée, avec une température l’après-midi d’environ 20°C !

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Béatrice, xavière, était du voyage et nous raconte, à travers une anecdote, ce qui l’a le plus touchée.

Le samedi matin, nous étions en groupe de langue et nous avons pu entendre des témoignages et célébrer l’eucharistie dans « notre » langue (en allemand pour moi). Pour les Français par exemple, il y avait un témoignage des maisons Lazare, ces maisons où co-habitent étudiants, jeunes professionnels et personnes en situation précaire. Pour l’Allemagne, c’était un jésuite de Berlin qui a ouvert sa porte depuis des années à des SDF.

Aussi intéressant que ce temps puisse être, je me suis sentie épuisée. Depuis octobre, la préparation avait été intensive, les réunions de responsables de groupes avaient duré les jours précédents jusque tard dans la nuit, et la veille, une participante du groupe dont j’étais responsable s’était perdue en sortant de l’audience avec le Pape ; nous avons dû la chercher, inquiets. Bref, je n’étais pas dans un état très fringant. Mon voisin, Michael, un participant de mon groupe, l’a remarqué. C’était déjà une belle preuve d’attention ! Très sûr de lui, il me dit : « je m’y connais, c’est une question de circulation sanguine. Il faut que tu boives un café, viens avec moi ! ». Nous avions une pause de 10 minutes avant l’eucharistie, c’était court mais cela tombait bien. Il m’entraîne alors au-dehors, à l’air frais et au soleil bienfaisants, et m’assure qu’il a repéré un café sympa, à un angle d’une place un peu plus loin. Le voilà qui fonce. Pour que vous puissiez mieux comprendre le côté encore plus touchant de la situation, je dois un peu décrire Michael. Michael boîte, et le voir se dépêcher, presque courir, pour que nous puissions mener ce projet à terme, pour mon bien, me saisissait déjà aux tripes. De plus, Michael porte quasiment en permanence un bermuda. Ce jour-là, un bermuda bleu à fleurs, et des chaussettes de laine remontées jusqu’aux genoux, l’une verte, l’autre marron. Il a un T-Shirt jaune écarlate, une casquette, et tout un tas de pendeloques au cou, dont une petite cloche décorée, le tout tintinnabulant au rythme de la marche rapide et clopinante. Le côté surréaliste de la situation continue de me toucher, profondément même. Arrivés au café, Michael m’invite, il m’offre un expresso. Je ne peux pas refuser. Après cette petite pause, nous voilà repartis, tout aussi vite, et nous arrivons à temps pour la suite du programme… Je suis retapée. L’air frais, le soleil, le café, et surtout, surtout, l’attention et la gentillesse de Michael à mon égard m’ont ramenée à la vie !!! Et je vois bien que cette courte expérience reste très fortement « imprimée » en moi.

C’est donc cet aspect de Fratello que je voulais évoquer ici : la RECIPROCITE de ce que nous nous sommes donné les uns aux autres. Non seulement les « SDF », mais tous, accompagnateurs et « accompagnés », et le Pape lui-même, qui a demandé devant nous aux personnes en précarité de prier pour lui, nous sommes revenus fortifiés et transformés de ces quelques jours de pèlerinage, redevables les uns aux autres, et au Seigneur, qui fait toutes choses nouvelles…

Béatrice