Le 4 février 1921, Claire Monestès fondait La Xavière. Une figure à découvrir…

Claire Monestès naît en 1880 à Chambéry. Cette ancienne capitale des États de Savoie est devenue française en 1860.

Elle grandit dans une société en pleine mutation. C’est une période qui voit se multiplier les découvertes scientifiques et leurs applications techniques. Par exemple :

en 1876, Bell invente le téléphone ;
en 1882, Edison inaugure les premières « usines électriques » construites à Londres et New York ;
en 1894, les frères Lumière fabriquent le premier projecteur de cinéma ;
en 1895, Rontgen découvre les rayons X ;
en 1898 Pierre et Marie Curie découvrent le radium ; les voies de chemin de fer couvrent l’Europe et vont jusqu’aux coins les plus reculés de France et l’Orient Express est inauguré en 1902…

Toutes ces découvertes sont de puissants moteurs de changements sociaux et culturels. On croit à la science : on pense qu’elle va pouvoir résoudre tous les problèmes !

C’est aussi une période de trouble pour l’Église catholique, qui culmine avec, en 1905, la séparation des Églises et de l’État, la spoliation des biens de l’Église, l’exil de 60 000 religieux et religieuses hors de France. Une « séparation » extrêmement violente.

Un monde où tout bouge sans cesse !

Une vie bouleversée

La vie de Claire va être bouleversée. Son père gère, avec un associé, une banque familiale. Des investissements réalisés sur une affaire de serres chauffées (une idée novatrice à l’époque) les mènent à la banqueroute.

Brutal changement de situation : il faut quitter Chambéry, chercher un travail pour faire vivre la famille qui compte cinq enfants. Claire a 20 ans. Pour aider les siens, elle va devenir répétitrice de français dans un collège des Dames du Sacré-Cœur à Dublin en Irlande : changement de lieu, de langue, de culture ; éloignement de sa famille chaleureuse et protectrice. Cet événement va marquer profondément sa vie. Au bout de deux ans, elle revient en France, non pas à Chambéry mais à Marseille où la famille s’est exilée, son père espérant y trouver du travail.

Puis, vient la guerre de 1914 et toutes les mutations qui s’en suivront.

Plus tard, Claire donnera cette consigne aux xavières : Soyons ferventes du monde présent non de celui d’hier, adaptons-nous perpétuellement.

Questionnée par son temps

Oui ! Fervente du monde présent c’est bien ce que semble être Claire. L’épisode irlandais l’a plongée dans une autre culture, l’apprentissage de l’anglais l’a dépaysée.

Elle rencontre aussi le mouvement des catholiques sociaux qui œuvrent auprès de la classe ouvrière, dans l’élan de l’encyclique de Léon XIII « Rerum Novarum » (1891). Elle rejoint un groupe de femmes – « les sociales » – qui aide des ouvrières à s’organiser, à créer des syndicats, à se battre pour conquérir leurs droits. Elle cheminera avec ce groupe jusqu’en 1917.

Sur son chemin, alors qu’elle est à Marseille, elle rencontre un jésuite – célèbre en son temps – le père Eymieu. Celui-ci écrit des ouvrages qui veulent répondre au scientisme et au positivisme ambiants. Claire devient sa secrétaire et s’ouvre, grâce à lui, à une réflexion sur les questions du temps et particulièrement sur le rapport entre la science et la foi.

Pendant la guerre de 14-18, tout en soignant des blessés (elle est infirmière de la Croix-Rouge), elle aidera une lyonnaise, Madeleine Carsignol : celle-ci a créé deux usines pour donner du travail aux femmes et y emploie plus de 1000 ouvrières.

Plus tard, à Marseille, Claire organisera des « Missions de midi », enseignements spirituels pour les employées et les vendeuses du centre-ville ou pour les ouvrières des usines de la banlieue. Soucieuse de nourrir leur foi, elle s’occupera aussi de leurs conditions de vie en créant un restaurant de midi à deux pas du Vieux Port.

Au groupe de xavières naissant, elle donne ce mot d’ordre : tout accueillir pour tout épanouir.

Une femme mystique

Dans ses écrits, Claire note qu’au jour de sa première communion elle a demandé la grâce de ne pas être religieuse, avec la certitude d’en arriver là un jour.

Elle croit avoir été exaucée jusqu’à ce jour de 1906 où elle se rend à une conférence de carême dans une église de Marseille. Le père Eymieu – qu’elle ne connaît pas encore – s’inspire dans sa conférence des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola.

Ce jour-là, il parle de l’appel du Roi, celui que le Christ adresse à tous les humains pour qu’ils l’aident dans sa tâche de rassembleur. Sa parole brûlante vient résonner en Claire et réveille l’appel de ses 12 ans. « De ta suite ô mon Roi j’en suis ! », s’écrie-t-elle. La spiritualité ignatienne marque désormais toute sa vie. Un chemin s’ouvre et c’est quinze ans plus tard qu’elle fonde La Xavière avec le soutien du P. Eymieu.

C’est à la demande de ce dernier, que Claire écrit un journal spirituel, qui court sur une vingtaine d’années. Il est le témoin de sa vie spirituelle, de ses combats, de sa passion pour le Christ et la construction de son Corps.

A partir de 1925, le P. Eymieu fait découvrir aux xavières les recherches théologiques sur le Corps mystique (les premiers écrits sur le sujet ne paraîtront qu’en 1933). Claire va trouver là sa respiration spirituelle. Elle exulte comme quelqu’un dont le chemin débouche sur de larges horizons. Et quand elle voudra définir le groupe des xavières, elle dira désormais : « Attacher mes filles à l’achèvement du Corps mystique, n’est-ce pas leur donner de quoi vivre, travailler et mourir dans la joie ? »

Le petit groupe grandit, malgré les épreuves – la mort de deux jeunes xavières, Renée et Georgette, puis celle du P. Eymieu en 1933.

Atteinte d’un cancer, Claire rejoint la « maison du Père » en 1939. Sur sa table cette note inspirée du Cantique des cantiques : »Courage et confiance, l’hiver est passé, la moisson va venir. Allons la cueillir d’un grand cœur reconnaissant et fidèle. »

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