Le carême est un temps offert pour renouveler notre élan intérieur, notre désir de Dieu. L’Eglise nous propose des moyens traditionnels pour vivre ce combat : le jeûne, l’aumône et la prière. Que signifient-ils pour nous aujourd’hui ?

L’invitation au jeûne, à l’aumône et à la prière est faite par Jésus, dans l’évangile de Mathieu, au chapitre 6. C’est l’évangile traditionnellement lu le mercredi des Cendres, quand l’Eglise entame le temps du carême. Dans cet évangile, Jésus nous invite à vivre ces trois attitudes, mais il nous invite aussi, par trois fois, à la discrétion : « Ton père voit dans le secret ce que tu fais, il te le revaudra » (Mt 6, 1-6).

Si Jésus insiste tant sur la nécessité de la discrétion, c’est sans doute parce que nous avons souvent tendance à nous glorifier de nos bonnes actions, à les faire savoir, pour qu’elles nous servent à nous justifier nous-mêmes !… Cela vient toucher nos besoins de reconnaissance et d’être valorisés : besoins légitimes, mais auxquels Jésus nous invite à renoncer pour vivre devant Lui et pour Lui, et non pour notre propre gloire ou pour nous faire valoir devant les autres.

Revenons à l’invitation au jeûne, à l’aumône et à la prière. Ils nous permettent essentiellement de revenir à notre vocation profonde d’aimer. Comment cela ?

Concernant le jeûne, la parabole du semeur est instructive. Dans l’évangile de Marc (chapitre 4), on voit un semeur qui sème largement et la graine tombe dans différentes terres : une des terres est bonne mais les ronces sont venues étouffer sa croissance. Il est dit que les ronces représentent l’appât de la richesse, les plaisirs de la vie et les soucis du monde.
Jeûner est une manière d’enlever les ronces qui étouffent la Parole de Dieu en nous. Maîtriser nos avidités, c’est libérer ce que ces avidités cachent de notre désir profond ; c’est passer du « besoin » à notre vrai désir…
Nos avidités peuvent être multiples. Elles peuvent concerner la nourriture, mais aussi d’autres lieux : écrans, réseaux sociaux, jeux, travail… Une manière de jauger notre liberté intérieure par rapport à tel comportement est de voir comment nous arrivons à nous en passer.
Par exemple, arrivons-nous à nous déconnecter ? Le soir, la nuit, pendant les repas, lorsque nous sommes avec d’autres ? Limiter le temps de consultation des écrans peut être une manière de retrouver le chemin de notre intériorité, de la prière, et aussi de la vraie présence aux autres.

Vivre l’aumône. Le carême est l’occasion de partager ! Don en argent aux personnes, associations, devant les nombreux besoins de notre monde. Mais plus fondamentalement, l’aumône est l’attitude qui nous ouvre aux autres, à leurs besoins. Il peut s’agir de choses matérielles, mais peut-être plus encore de respect, d’attention, d’affection, de présence. Les associations qui s’occupent des personnes à la rue le disent bien : ce qui est le plus dur est cette sensation de ne pas exister, de voir les regards qui fuient, cette impression de n’être rien pour personne. Nos villes et notre mode de vie entraînent une grande solitude pour beaucoup. Le carême peut être un temps propice pour faire plus de place à ceux que nous avons du mal à regarder, à écouter, à considérer…

Enfin, le temps du carême est ce moment privilégié pour retrouver le chemin de la prière, de ce temps gratuit donné au Seigneur pour lui présenter le monde, l’Eglise, ceux et celles qui souffrent ou se sentent exclus, isolés. Mais il s’agit aussi d’écouter Sa Parole, le laisser me dire son Amour, Sa joie à Lui, se réjouir d’être à Lui et pour Lui, de se laisser configurer à Lui dans le silence, parfois sans en avoir conscience… Comme Adam fut endormi dans un mystérieux sommeil, notre configuration au Maître ne se décrète pas, elle se reçoit, de nuit souvent…

Bon carême à tous !