A l’occasion du début du Ramadan, nous publions un texte et une vidéo de Colette Hamza sur le dialogue islamo-chrétien et sur le jeûne du Ramadan.

Colette Hamza est xavière, directrice de l’Institut des Sciences et Théologies des Religions (ISTR) de Marseille et adjointe du directeur du service pour les relations avec les musulmans (SNRM). Dans cette interview parue dans les Cahiers Prions en Eglise en juillet dernier, elle indique les enjeux du dialogue islamo-chrétien.

D’où vient votre intérêt pour les relations avec l’islam ?

Déjà, il a fallu que je fasse le pont dans ma vie personnelle entre « Colette » et « Hamza » ! J’ai dû réaliser l’unité entre deux cultures, française chrétienne, côté maternel, et algérienne musulmane, côté paternel. J’ai grandi en France et je suis « tombée » dans les fonts baptismaux à cinq jours, mais cette double culture fait partie de moi et constitue peut-être une obligation originelle à tisser des liens et à créer des relations. Puis ma vocation religieuse a confirmé cet appel, d’autant que les constitutions des xavières disent que « nous cherchons à faire le lien avec ceux qui sont le plus loin de l’Eglise ».

Quel est l’enjeu de ce dialogue ?

C’est de construire notre humanité ! Le pape François nous a invités à entrer dans l’arche de la fraternité. Or cette « fraternité humaine » passe notamment par les croyants. Nous avons à échanger et ensemble, nous devons dire à ce monde que se parler est possible, que nos différences sont des chemins à parcourir et des lieux d’enrichissement. En février 2019, le pape François et l’imam d’Al Azhar, Ahmed al Tayeb, ont signé un document qui dit que la pluralité est voulue par Dieu, qu’elle nous construit et nous enrichit mutuellement. Le Coran parle aussi des différences voulues par Dieu. Je n’existe pas sans l’autre, et comme chrétienne, je n’existe pas sans l’autre qui est musulman car il a quelque chose à me révéler de la part de Dieu.

Le dialogue islamo-chrétien est-il vraiment un mouvement réciproque ?

Il faut admettre que l’initiative vient souvent des chrétiens. Mais la communauté musulmane se débat avec de telles difficultés qu’il ne lui est pas toujours facile de se tourner vers l’autre. Quand je suis fatiguée de faire le premier pas, je me replonge dans l’encyclique Ecclesiam Suam de Paul VI. Ce pape rappelle que les chrétiens sont engagés dans le dialogue parce que le premier qui en a l’initiative, c’est Dieu. Si je suis découragée, je dois me tourner vers ce Dieu qui ne se lasse jamais de faire le premier pas vers moi. Cela dit, un sursaut a eu lieu ces dernières années et de nombreux musulmans prennent des initiatives comme l’accueil dans des mosquées, des thés offerts ou des portes ouvertes. Et parmi les musulmans, beaucoup nous disent que l’échange avec les chrétiens les aide à avancer dans leur propre communauté.

Pour vous, qu’est-ce qui lie et qu’est-ce qui divise chrétiens et musulmans ? 

Ce qui nous lie, c’est d’abord notre humanité, notre « fraternité humaine » comme le disent les textes du Concile Vatican II. Ensuite, nous sommes liés par la foi en Dieu, en l’Unique. Ce qui nous divise, ce sont nos certitudes, nos capacités à nous enfermer dans une dogmatique ou dans des vérités. Dire « j’ai la vérité et tu ne l’as pas » nous sépare. Or la vérité est un chemin. La vérité, c’est Dieu et, pour les chrétiens, c’est le Christ. Je ne peux pas mettre la main dessus.

Propos recueillis par Véronique Alzieu.
L’intégralité de l’interview est disponible dans le numéro 264 des Cahiers Prions en Eglise. 

Pour aller plus loin

TEXTE

Dans ce cahier de « Chemins de Dialogue », Colette Hamza présente les enjeux, chances et obstacles du dialogue islamo-chrétien. Il peut être acheté ICI en version papier ou numérique.

VIDÉOCONFÉRENCE

A l’occasion de l’entrée en Ramadan, Colette Hamza a enregistré cette vidéo sur le jeûne du mois de Ramadan. Cette conférence devait être donnée en mars dernier lors d’une session organisée par le Département d’Etudes et de Recherches pour les Religions à l’Ecole.