Juliette, jeune xavière en communauté à Marseille, commente l’évangile de l’Épiphanie pour le site Oh My Goddess.

Ce récit a le charme d’un conte. Il en a les éléments : des mages lancés dans une quête, un méchant, un enfant, une étoile. Il en a la structure aussi, avec ses péripéties et ses rebondissements qui arrivent à grands coups de « or » et de « alors ».

Mais ce conte-là n’est pas comme les autres. Ici pas de grand-mère, pas de loup, pas de prince charmant, mais quelque chose de beaucoup plus existentiel.

Il parle de la quête, de cette recherche de Dieu qui est inscrite au cœur de l’Homme. C’est cette quête qui anime les mages, quand ils demandent où est le roi qui vient de naître. Nous la menons tous cette quête, consciemment ou non. Où est Dieu ? Et où m’appelle-t-Il à Le rencontrer, à L’aimer, à Le servir ?

Dans cette quête, nous ne sommes pas sans guide : le texte en mentionne deux, les écritures qui désignent Bethléem, et la mystérieuse étoile. Voilà des guides qui peuvent être les nôtres : les écritures que nous sommes invités à prier, à scruter, à goûter. En ce qui concerne l’étoile, elle sera plus difficile à repérer dans nos cieux éteints par les lumières de nos villes. Mais cette étoile qui précède les mages, ce peut être pour nous tous les signes de l’action de l’Esprit Saint déjà à l’œuvre en ce monde, à nous de veiller et de guetter les signes du Royaume qui vient.

L’étoile mène les mages à la rencontre avec Jésus et une phrase du texte nous donne des clés pour vivre pleinement à notre tour cette rencontre :
« En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. »

Je nous invite à nous arrêter sur les verbes :
« En entrant dans la maison » : la foi commence par une mise en mouvement. Il faut savoir entrer, faire un pas, risquer un acte de foi à la suite d’une étoile.
« Ils virent l’enfant avec Marie sa mère » : Dieu n’est pas un dieu absent, enfermé dans un temple lointain. Dieu se donne à voir, à contempler, à travers l’humanité, l’humanité la plus petite, la plus humble, la plus souffrante.
« Tombant à genoux, ils se prosternèrent » : ce geste d’adoration nous resitue dans notre relation avec Dieu, à notre place de créature face à notre créateur. Nous pouvons demander au Seigneur cette grâce de savoir nous prosterner, respectueusement, humblement, amoureusement, devant Lui.
« Ils ouvrirent leurs coffrets, et offrirent leurs présents » : finalement la prière c’est ça, ouvrir les coffrets de nos cœurs et offrir nos présents, c’est-à-dire notre vie, et cela sans attendre qu’elle soit brillante comme l’or.

Entrer, voir, se prosterner, ouvrir et offrir, tels sont des verbes qui peuvent nous accompagner cette année.

Un autre élément de ce passage, qu’on a tendance à oublier, c’est le danger. Un danger qui est bien là, et bien réel. Et c’est l’un des paradoxes de Noël : nos crèches sont figées et silencieuses, nos chants sont harmonieux et doux… et la naissance de Jésus devient une image d’Épinal, une scène comme enfermée dans ces boules à neige, dont les flocons artificiels font taire tous les bruits. Or quand on regarde bien la réalité des choses était bien moins idyllique : Joseph et Marie ont pris la route, alors que Marie était enceinte jusqu’au cou, elle a accouché dans des conditions plus que précaires, ils étaient menacés par Hérode, et ont fini par fuir en Égypte, donc un homme, une femme qui venait d’accoucher, et un nouveau-né… On est bien loin des hautbois et des musettes !

Alors, est-ce qu’il faudrait abandonner nos crèches par souci de cohérence ?
Je ne crois pas. Au contraire même.

La crèche c’est justement ce qui résiste en nous. Ce qui est à jamais à l’abri des rois, de la violence et de la haine, c’est ce lieu où le Christ, les mains tendues, nous attend. Ce lieu où nous Le retrouvons pour Lui ouvrir nos coffrets, et tout recevoir de Lui.

Alors que nous sommes encore au début de l’année, au temps des galettes, des vœux et des bonnes résolutions, prenons garde d’oublier la crèche trop vite. En Provence, on laisse la crèche jusqu’au 2 février, ça peut être une idée. Mais la véritable crèche, demandons au seigneur que ce soit nous-même.

Seigneur, fais-moi répondre à l’appel de la crèche
Cet appel à me faire petite et toute simple
A accepter la nuit, à chercher le silence
Où apparaît l’étoile qui mène jusqu’à Toi
Seigneur, fais-moi répondre à l’appel de la crèche
A Te contempler, Toi, l’Enfant-Dieu sur la paille
Faire taire un instant le tumulte du monde
Et goûter Ta présence
Seigneur, fais que ma vie entière devienne crèche
Crèche pour accueillir le monde tout entier
Du plus grand des rois mages au plus humble berger
Que ma vie soit ce lieu qui sans cesse T’accueille
Et sans cesse Te chante
Viens l’ouvrir assez grand pour que Tu puisses y naître
Et y renaître chaque jour.
Seigneur, fais-moi répondre à l’appel de la crèche.

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(texte : Geneviève Roux)