Des xavières impliquées dans des réflexions sur l’écologie réagissent à l’adoption du projet de loi climat et résilience, voté en première lecture par les députés français le 4 mai dernier.

Dans la foulée de la COP 21 et des accords de Paris, l’inertie de l’État a provoqué de multiples réactions et combats. On peut citer la plainte contre l’État Français par 4 ONG « L’affaire du siècle » avec le soutien de 2,4 millions de personnes  – ce procès a abouti à la condamnation de la France le 14 janvier 2021 pour « inaction climatique » ; la crise des gilets jaunes, qui a participé à la mise en place du Comité pour la Convention citoyenne pour le climat, bien soutenu par des pétitions ; et des marches pour le climat. C’est ainsi qu’ont émergé le projet d’un référendum, la proposition de la modification de l’article 1 de la constitution et le projet de loi sur le climat déposé le 12 février 2021 à l’Assemblée Nationale.

Le projet de loi « Climat et résilience »

Ce projet de loi  a été voté en 1ère lecture le 4 mai à l’Assemblée nationale. Pourtant il ne fait pas l’unanimité même si la ministre de la transition écologique,  Barbara Pompili s’en félicite et veut voir un texte « d’écologie pratique »  et de « bon sens » défendant un chemin de crête entre « ambition écologique » et « acceptabilité sociale ».

On peut dire qu’il aura fait l’objet de débats puisque  plus de 110 heures lui ont été consacrées dans l’hémicycle. Le gouvernement se retrouve cependant en porte-à-faux avec des membres de la Convention citoyenne qui jugent leurs propositions « détricotées » alors que M. Macron avait promis un « sans filtre ». Fin février, le Haut Conseil pour le climat, une instance indépendante, avait pointé « la portée réduite » de certaines mesures, au regard des objectifs de réduction des gaz à effet de serre, « la dynamique actuelle de réduction des émissions étant encore insuffisante ».

Dans le projet de loi « climat et résilience » les points de discorde portent davantage sur les échéances, les mesures d’accompagnement ou le « volume » des décisions. Ainsi les écologistes devant le manque d’ambition du projet  ont présenté le 24 mars un contre projet qui   propose la généralisation dès 2024 de la rénovation thermique « performante » des logements au moment de leur vente et achat, couplée à une garantie de l’État d’un reste à charge inférieur à 10 % pour les ménages les plus modestes. Figure également l’accompagnement des « ménages les plus modestes pour acheter une voiture plus propre via un prêt à taux zéro » et l’accélération de la fin de vente des voitures à moteur thermique dont l’horizon est jusqu’ici prévu pour 2040. L’écotaxe sur les poids lourds a disparu du paysage !

Autres lieux de discorde :

  • La Convention citoyenne pour le climat avait proposé d’interdire les vols intérieurs lorsqu’une alternative « bas-carbone » du même trajet était disponible en moins de 4 heures. Le gouvernement a finalement réduit ce temps à 2 heures 30.
  • De même « interdire de manière efficace et opérante la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, sur tous les supports publicitaires », a évolué vers l’interdiction de la seule publicité « en faveur des énergies fossiles ».

Cependant il faut souligner les domaines où un accord a été trouvé :

  • le développement de la vente en vrac,
  • l’interdiction des plastiques à usage unique dès 2025,
  • l’éducation au développement durable, visant à « préparer les élèves à devenir des citoyens responsables ».
  • Coup de pouce au vélo avec le développement des pistes cyclables et des primes à l’achat de vélos électriques et de vélos cargos.
  • La refonte du code minier pour donner la possibilité à l’État de refuser un titre minier en tenant compte des impacts environnementaux.
  • La lutte contre le « greenwashing » avec l’interdiction « d’affirmer à tort qu’un produit ou un service est neutre en carbone » ou « dépourvu de conséquences négatives sur le climat ».
  • La création d’un délit général de pollution de l’eau et de l’air, avec notamment la qualification « d’écocide » lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle (jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende).

Le 10 mars les députés avaient adopté l’article unique d’un autre projet de loi. Il intègre  dans l’article 1er de la Constitution posant les principes fondateurs de la République (égalité, laïcité…), la protection de l’environnement. Le gouvernement a retenu l’inscription suivante : la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Le Sénat tente actuellement une autre formulation mais quelle que soit la formule finale il s’agit d’un acte symbolique fort, qui signe  la victoire des efforts accomplis par le mouvement écologiste dans les pétitions, les marches pour le climat, les informations diffusées pour sensibiliser le grand public.

Notre point de vue. Quelles perspectives ?

Le projet de loi « Climat et résilience » vient nous interroger dans plusieurs domaines : comment se construit la législation française, quel est l’intérêt de cette loi et à quoi sommes nous invités personnellement ?

En ce qui concerne la législation on peut s’interroger sur le processus. L’objet de cette loi  s’enracine dans un travail de longue haleine réalisé depuis des années par des experts et s’est concrétisé dans les 150 propositions de la convention citoyenne pour le climat, qui ont servi de support à l’élaboration du projet de loi. On peut noter que cette participation citoyenne en amont de la loi est assez nouvelle. Les possibles allers-retours entre le gouvernement, l’hémicycle et le Sénat risquent  à chaque fois de transformer la proposition pour l’appauvrir ou l’enrichir suivant la position qu’on occupe. Il est vrai que comme l’a rappelé la ministre de la transition écologique le gouvernement doit tenir compte de paramètres qui échappent peut être aux tenants de la défense du climat. Reste  à savoir où sont mises les priorités et comment s’abstraire de tous les lobbies qui défendent leurs intérêts propres sans se soucier du bien commun. Sous-jacent se pose une question éthique qui devrait présider  à toute décision du législateur.

L’intérêt de la loi se mesure à son efficacité, mais ce qui vient d’être dit du processus d’élaboration est aussi important, et on peut espérer que ce qui  a été vécu par les 150 citoyens ne restera pas lettre morte et permettra une prise de conscience renouvelée que l’établissement des lois est l’affaire de tous.

Cependant l’immense majorité des français ignore son contenu qui dans le meilleur des cas parvient aux passionnés d’écologie, grâce à l’analyse de spécialistes, diffusée par les journalistes et les associations. Il faut dire que la majorité des articles de la loi concernent les collectivités locales ou les grandes entreprises qu’il s’agisse de publicité, de production d’énergie, d’offres de transport, d’urbanisme ou d’agro-écologie. Et l’on sait comment certains préfèrent payer une amende plutôt que d’appliquer les normes imposées. Or l’argent n’a jamais empêché la température  de grimper !

Chacun d’entre nous, peut cependant être interpelé par certains aspects de la loi et cela d’un double point de vue :

  • soit pour connaître ses droits et être en mesure d’exiger des aménagements par exemple pour son logement ou de demander une mise en application de la loi auprès de ses fournisseurs,
  • soit pour adapter son propre comportement et entrer dans la conversion écologique à travers les petits gestes du quotidien, la réflexion sur les déplacements, les vacances,  l’alimentation ou la consommation d’énergie,  qui ne porteront de fruits que si la majorité des citoyens devient « écologiquement responsable ».