Qu’est-ce que la prière ? Que change-t-elle dans nos vies ? Edwige, qui s’est engagée définitivement à La Xavière le 15 août 2020, témoigne de l’importance de la prière dans sa vie missionnaire en plein monde.

La prière est un acte intérieur pour moi. Je ne la conçois pas comme « une place » dans ma vie, c’est la source de ma vie, c’est la source qui nourrit ma vie de xavière, religieuse en plein cœur du monde. Pour moi, c’est tout simplement, le ferment qui fait lever l’humble « pâte » que je suis, dans un monde où je suis appelée à « trouver Dieu en toute chose ». Que serait ma vie de xavière, en mission en plein monde sans la prière ?

Pour moi, prier, surtout prier avec la parole de Dieu, c’est laisser une Parole de Vie, « la Bonne Nouvelle », éclairer mon aujourd’hui, en vivre et faire vivre d’autres. C’est aussi laisser cette parole illuminer mon regard sur le monde. D’ailleurs, il m’arrive de constater qu’un verset ou qu’un texte médité le matin m’accompagne toute la journée voire plusieurs jours. Ils peuvent même influencer une prise de décision dans mon quotidien. Et je demeure convaincue que ma manière d’agir dans ma mission, dans mes activités reste marquée par la prière. J’ai été enseignante avant et pendant mes premières années de xavière. En comparant, ces deux moments de ma vie, les manières de faire le même métier n’ont pas été pareilles. Ce qui a bougé positivement quelque chose en moi, c’est sans doute la relation de prière. C’est pour cela que j’aime commencer ma journée par une méditation ou une contemplation de la Parole de Dieu pour que cette Parole m’accompagne dans mes journées, souvent chargées.

Bien évidemment, prier avec les textes bibliques, c’est ce que je préfère. Mais, je ne me sens pas enfermée dans cette forme de prière. Je prends des libertés selon ce qui m’habite, selon les étapes et selon le temps disponible, car selon les missions confiées, on peut disposer de moins de temps le matin. Et c’est ce critère qui m’a fait expérimenter et changer de formes, de manière de prier. Quand on est enseignante et qu’on commence les cours très tôt (à 7h), juste au sortir du noviciat, avec quatre classes de quarante-cinq élèves chacune, on apprend à s’adapter. Dans le dialogue et avec l’accompagnement de la supérieure, j’ai goûté autrement à la « saveur » des psaumes. J’ai prié avec eux soit en marchant soit assise dans un moyen de transport en commun. J’ai appris à les intérioriser, ce qui est différent de les chanter. Puis, le soir venu, j’ai aussi appris à refaire mes forces dans l’adoration, avant la prière commune. Cela m’aidait à y entrer sans tension. Enfin, pour terminer ma journée, avant de laisser le sommeil prendre le dessus, je relis ma journée avec la prière d’alliance. C’est le moment où je peux contempler les fleurs de ma journée, puis les écueils de ma pauvre vie, mes manques. C’est aussi le moment de remettre dans les mains du Seigneur le jour à venir. Cela structure ma journée de xavière. Cela est beau.

Toutefois, parlant de ma vie de prière, je ne veux occulter mes temps de sécheresse où le désir de me déconnecter de cette relation à Dieu prend le dessus ; où mes révoltes intérieures refont surface ; où la fatigue prend le dessus. Dans de pareils moments, je me laisse porter davantage par la prière communautaire. Je me laisse porter par la prière des unes et des autres, car nous formons un corps et la prière des unes accompagnent chacune dans la mission reçue et dans sa vie de xavière. Nous formons un corps en prière, les unes pour les autres et pour le monde. J’ai pris conscience de cette réalité au fur et à mesure de mon cheminement à La Xavière. Et je crois personnellement qu’en de tels moments, l’Esprit saint aussi vient au secours de ma faiblesse.

De ce fait, progressivement, j’ai découvert que la prière est un acte de communion que viennent colorer les évènements du monde et les réalités de la mission qui m’est confiée. C’est pour cela qu’elle ne peut être uniquement centrée sur moi. Elle est orientée vers l’Autre, les autres. Elle se veut intercession pour ce monde dans lequel je vis et dans lequel je suis envoyée.

En conclusion, je dirai que la prière, progressivement, est devenue une relation. Ma relation avec celui qui m’a créée et qui m’a appelée à l’existence et qui m’a associée à son œuvre : Dieu. Elle est aussi l’expression de mes révoltes envers Lui, le cri de ma colère, qu’il accueille discrètement. C’est dans cette relation, qu’il souffle sur ce qui s’endort en moi. Acte d’humilité, moyen par lequel le sarment que je suis, demeure sur la vigne pour porter du fruit. Moyen aussi pour que ce sarment s’étende à d’autres. Peu importe la forme, l’essentiel, c’est que la relation soit nourrie et que j’y demeure fidèle pour redire à la suite du Christ, avec d’autres croyants ou non, « notre Père ».