Noël est là ! Avec Geneviève Roux prions autour de la scène de la Nativité, peinte par Maurice Denis en 1914.

« Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où Marie devait enfanter fut accompli.
Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. » (Luc 2, 6-7)

Maurice Denis - Nativité - 1914 – Toulouse - Musée des Augustins - Domaine Public
Je regarde l’image

A vrai dire, je ne sais pas où regarder : il y a plusieurs scènes dans le tableau, comme autant d’histoires différentes qui se racontent.

En haut à droite il fait encore jour, le ciel bleu foncé est envahi de gros nuages qui roulent au-dessus des maisons. Un mur en ruine découpe encore l’image. Deux ou trois silhouettes y sont adossées : l’une tient à la main une lanterne allumée, d’un autre on n’aperçoit que ce qui semble être un casque de soldat. Ils ont la tête baissée, comme apeurés. Face à eux, une femme en noir se profile dans l’embrasure d’une porte. Elle tend le bras vers la gauche comme pour leur indiquer un chemin.

C’est aussi vers la gauche que la jument brune et son poulain tournent leurs têtes. Et ces deux attitudes suffisent à conduire notre regard vers l’ouverture d’une étable. Tout en bas, des moutons couchés sur la paille. Au fond, un bœuf tend son museau vers la mangeoire emplie de foin, devant lui un petit âne. Une grosse lanterne diffuse sa lumière chaude.

Sur une litière de paille une femme est étendue, une couverture orange et bleue lui couvre les jambes. Elle se tourne sur le côté son nouveau-né dort au creux de son bras.

Au-dessus d’elle, un homme se penche portant dans sa main droite un bol de faïence : une boisson chaude pour la jeune accouchée ?

A l’étage, par la fenêtre éclairée, deux femmes regardent au dehors. La plus jeune tourne son visage vers la droite. Suivant son regard, nous découvrons tout en haut du ciel sombre une étoile que nous n’avions pas repérée.

Les différentes scènes qui nous paraissaient sans liens découvrent leur cohérence :

des gens qui demandent leur chemin, une étable, un âne et un bœuf, une mangeoire, des moutons, un couple, un nouveau-né, une étoile… Tout est en place pour une nuit de Noël.

La pauvreté du décor nous saisit : des briques nues, un crépi écaillé, pas de porte à l’étable, un arbuste souffreteux qui cependant abrite des colombes.

Je médite

Comme toute femme Marie est fatiguée par l’accouchement. Elle se repose et Joseph prend soin d’elle avec tendresse en lui portant à boire. Il contemple ce tout-petit, endormi, ce fils qui lui est confié. Une grande tendresse se dit dans son attitude. « Il les regarde, il les contemple et les sert dans leurs besoins » pourrait écrire saint Ignace. Et c’est vers cet ilot de lumière au cœur du tableau que notre attention est sans cesse ramenée.

Autour d’eux le monde poursuit sa course. Certains se sont mis en route et frappent aux portes pour savoir où est né l’enfant. D’autres, comme la femme à la fenêtre, perçoivent un signe mais sauront-ils découvrir le mystère qu’il annonce ?

« Source en attente, secret du monde, Amour caché au creux du monde, Christ au-dedans du mal de l’homme. Au cœur des pauvres Christ vivant, Au cœur des pauvres tu attends. »

Le peintre, Maurice Denis, a réalisé cette toile en 1914. La guerre commence en juillet, de sombres nuages s’amoncèlent dans le ciel.

Dans la complexité du monde, au milieu des menaces qui se multiplient, le Verbe se fait chair. Caché au cœur du monde il offre aux pauvres que nous sommes sa vie et sa tendresse.