Topo #3 : La consolation

D’abord quelques mots de la tradition spirituelle qui traverse les siècles :

  • Les motions – et non pas l’émotion – nous font bouger. Elles produisent un mouvement en nous, qui n’est pas simplement un état affectif. Ma joie, ma tristesse : où me mènent-elles ?
  • La tradition spirituelle parle de consolation spirituelle pour évoquer ces élans de l’Esprit en nous, ce qui nous attire vers Dieu, vers la Vie.

Mettons-nous à l’écoute du livre du Deutéronome:

Cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle n’est pas dans les cieux, pour que tu dises : « Qui montera aux cieux nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? » Elle n’est pas au-delà des mers, pour que tu dises : « Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher ? Qui nous la fera entendre, afin que nous la mettions en pratique ? » Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. (Dt 30, 11-14)

Cette Parole de Dieu est inscrite au fond de nous, de notre cœur, et c’est là que nous avons à la chercher, à l’écouter. Cette Source divine est là bien présente en nous, mais elle a peut-être besoin d’être déblayée.

Dieu n’est pas extérieur à nous : nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, son souffle est mis en nous, et, par notre baptême, nous sommes le temple de la Trinité !

« Demeurez en moi comme je demeure en vous » (Jn 15, 4). C’est cela le sens de notre vie, le fondement de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous sommes appelés à devenir : laisser grandir cet enfant bien-aimé de Dieu que nous sommes, comme nous voyons dans l’évangile Jésus grandir en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes.

Cette croissance va se faire en nous rendant attentifs à ce qui nous fait vivre, c’est-à-dire à ce travail de l’Esprit saint en nous.

La consolation spirituelle peut prendre des formes variées

  1. Nous connaissons ces moments où nous avons le cœur qui déborde de joie, dans un élan vers Dieu, vers les autres. Tout s’ouvre en nous, comme quand on devient amoureux, mais là amoureux de Dieu et des autres. Chacun de nous peut se souvenir d’un de ces moments, souvent le dater, le localiser. C’est ce qu’on appelle la consolation.
    Dans la Bible, David danse devant l’Arche de Dieu (2 Sam 6, 14-16), Marie et Élisabeth à la Visitation vivent une rencontre qui les fait exulter (Lc 1, 39-56), elles en ont le cœur tout brûlant comme les disciples d’Emmaüs (Lc 24, 32), Jésus exulte de joie en voyant les petits qui accueillent l’œuvre de Dieu (Lc 10, 21).
    Le corps se met en mouvement, que ce soit par la danse, le chant, la parole.
    Parce que cette consolation est faite pour être partagée, pour être missionnaire; jamais pour soi seul.

Mais la consolation peut prendre d’autres formes :

2. Une forme déroutante, c’est quand elle vient nous rejoindre dans la douleur, les larmes même : devant le Christ en croix, en croix aujourd’hui aussi dans ses frères et sœurs, tout proches de nous et à travers le monde. Cela nous brise le cœur. Ce sont des larmes d’amour comme Jésus qui pleure sur Jérusalem. Cet amour va nous mettre en mouvement au service de ces frères et sœurs souffrants. Si cette douleur me coupe les jambes, me décourage, m’isole, ce n’est pas la consolation spirituelle, car l’Esprit nous envoie toujours au large.

Il y a aussi, comme ce fut le cas de saint Pierre, les larmes devant notre péché : « j’ai tellement trahi notre amitié Seigneur, je t’ai blessé. » Des larmes de repentir qui retournent mon cœur : la tristesse selon Dieu dont saint Paul parle aux Corinthiens, et non des larmes de dépit où c’est mon orgueil qui pleure parce que je ne suis pas aussi bien que je le voudrais.
 « La tristesse vécue selon Dieu produit un repentir qui mène au salut, sans causer de regrets, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort. » (2 Co 7, 10)

3. La consolation nous est aussi offerte de manière plus ordinaire, plus discrète, mais tout aussi réelle, dans le fil de notre vie quotidienne, comme cette force qui fait grandir en nous la foi, l’espérance, l’amour.
Cette force nous fait nous lever chaque matin quelle que soit la couleur de la journée qui s’ouvre, et qui s’annonce peut-être laborieuse, difficile. Mais le service pour nos enfants, notre conjoint, ceux pour qui nous travaillons, l’emporte. Les études sont dures, mais l’espérance est plus forte que notre fatigue ou notre paresse. Nous n’avons aucun élan, mais nous y allons sachant que le Seigneur est là à nos côtés.

Cette consolation est quotidienne, sinon pourrions-nous mettre un pied devant l’autre ? Mais cette présence de Dieu en nous est si discrète que souvent nous ne savons pas la voir. Nous n’y faisons pas attention. D’où l’importance le soir de regarder notre journée pour y repérer l’œuvre de Dieu : « Dieu était là et je ne le savais pas » (Gn 28, 16).
C’est comme un cadeau qu’on ouvre en fin de journée ! En rendre grâce à celui qui en est la source.

Au fond, n’est-ce pas ce petit chant d’amour qui monte de notre cœur et nous fait avancer paisiblement et avec joie sur les chemins de Dieu ?

La consolation est un don

Quelle que soit la forme de la consolation, nous n’en sommes pas la source. Elle nous est donnée, offerte. Je n’ai pas à m’en glorifier, mais en rendre gloire à celui qui me l’a offerte. Donc en toute humilité !

L’important est qu’elle nous met en mouvement, nous donne le goût de la vie : nous ouvre aux autres, à la création, à Dieu.

Elle nous unifie, nous pacifie.
« Le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi. » (Gal 5, 22)

La manière dont Dieu nous conduit, c’est l’attirance. Il attire :
« Et moi, élevé de terre, j’attirerai tout à moi. » (Jn 12, 32)
« Nul ne vient à moi si mon Père ne l’attire. » (Jn 6, 44)

Charles Hénin – Autobiographie d’Ignace

Nous pouvons reconnaître cette attirance à ce qu’elle nous donne envie d’aller de l’avant, de nous mettre en mouvement. C’est ainsi que Dieu suscite la vie en nous, qu’Il nous crée à chaque instant: par l’éveil de notre désir, du désir de la vie. C’est ce qui va me permettre de reconnaître ce qui sera pour moi le chemin de vie, ma propre vocation.

Soyons attentifs à cela, notons-le après nos temps de prière, au terme aussi de nos journées car la consolation peut nous être offerte à n’importe quel moment au cours de nos journées, dans nos déplacements, nos rencontres, nos activités… En prendre conscience, la relever, la noter pour nous rendre attentifs aux dons de Dieu, à son travail en nous, à la manière dont il nous entraîne vers la vie, sa Vie.

Ne pas avoir peur de la consolation : c’est un don de Dieu. En rendre grâce en toute humilité et ne pas s’envoler, garder les pieds sur terre, nous engager dans le concret de nos vies.

Nous rendre attentifs à la consolation

La consolation n’est pas pour notre petit plaisir. Elle est une force pour aimer. Rendons-nous y attentifs pour ne pas la gaspiller. Sinon, nous sommes comme quelqu’un qui se rassasie et qui au lieu d’utiliser ces forces que lui a procuré la nourriture, va s’allonger le ventre plein sur son lit pour y passer la journée. Cette joie, cette paix, cet élan que me donne l’Esprit sont une énergie d’Amour.

Relisons le début de la deuxième lettre aux Corinthiens (2 Co 1, 3-7) : la consolation est orientée vers le partage, la mission. Dans une communauté, quand un ou une reçoit cette consolation, c’est pour la partager au service de ses frères, de ses sœurs, de même qu’à d’autres moments, ce sera ces frères ou sœurs qui nous aideront par la consolation qu’eux-mêmes recevront de Dieu. La vraie consolation est missionnaire.

Attention à ne pas confondre la consolation, le bonheur avec la bonne santé ou le simple plaisir. « Heureux ! » Rappelons-nous combien les béatitudes ont quelque chose de paradoxal. Le chemin de vie sur lequel le Christ nous appelle, nous entraîne avec Lui, nous plonge avec Lui dans son baptême, c’est-à-dire dans une vie qui n’a du goût qu’en se donnant, qu’en se livrant dans l’Amour car c’est l’amour qui fait vivre.

« Pour vivre et être heureux, il faut donner la vie en donnant sa vie. Celui qui cherche à sauver sa vie, c’est-à-dire à capter et à retenir entre ses mains avides la vie et les dons de la vie, celui-là meurt d’égoïsme dans sa possession et il sème la mort autour de lui car il se nourrit de la vie des autres. Renoncer à soi-même, ce n’est pas renoncer au bonheur et à la vie mais renoncer à se faire le centre du monde et à bâtir son bonheur en ramenant tout à soi. Le bonheur se trouve quand on le donne. La vie se trouve quand on la donne. »  (Pierre Claverie)

Exercices pour la semaine

  • Je me rappelle les moments forts de consolation qui ont marqué ma vie : où ? quand ? quels fruits cela a porté en moi ? Ai-je pensé à en rendre grâces ?

  • Quelle forme a pris la consolation en moi ces jours-ci ?

    • « Le cœur tout brûlant » ?
    • Une douleur « amoureuse » ?
    • une augmentation de ma foi, de mon espérance, de ma charité, dans la paix intérieure ?

J’en rends grâces et j’y puise des forces pour le service des autres.

De saint Ignace de Loyola:

  1. J’appelle consolation le cas où se produit dans l’âme une motion intérieure par laquelle l’âme en vient à s’enflammer dans l’amour de son Créateur et Seigneur, et où alors elle ne peut plus aimer pour elle-même aucune chose créée sur la face de la terre, mais seulement dans le Créateur de toutes choses.

  2. C’est aussi le cas où l’âme verse des larmes qui la porte à l’amour de son Seigneur, par la douleur de ses péchés, ou de la Passion du Christ notre Seigneur, ou d’autres choses directement ordonnées à son service et à sa louange.

  3. J’appelle enfin consolation toute augmentation d’espérance, de foi et de charité, et toute allégresse intérieure qui appelle et attire aux choses célestes et au bien propre de l’âme, en la reposant et en la pacifiant dans son Créateur et Seigneur.

Pour la prière personnelle

Je peux prier avec le Magnificat (Lc 1, 47-55) ou choisir dans le psautier un chant de louange, par exemple les psaumes 33, 65, 115 ou 145.

Puis, je laisse l’Esprit m’inspirer mon propre chant de louange que je peux écrire et enrichir au fil des jours.