« Adaptons-nous perpétuellemement. Soyons ferventes du monde d’aujourd’hui, non de celui d’hier ». Bénédicte Duriez, xavière, en communauté à Abidjan, explicite cette formule de notre fondatrice Claire Monestès.

Cet article est paru dans notre revue Dialogue 2022.

Que disons-nous lorsque nous répétons cette invitation : « Adaptons-nous perpétuellement ! » ? Est-ce un appel à s’adapter au milieu, vivre une vie de caméléon, prenant la couleur de l’air du temps, se fondant dans la masse sans faire de vague, ou surfant sur les vagues médiatiques voire apostoliques… ? Est-ce se laisser porter par les événements, voire balloter au gré du vent, telle une girouette qui s‘adapte à la direction de la brise ou de la tempête ? Est-ce obéir à la mode ? Imiter ? Reproduire ? S’adapter au point de renoncer à son unicité, son originalité, ce petit grain de sel, voire de folie que je suis appelée à offrir ?

Il me semble que le sens profond de cet appel à l’adaptation ne peut que nous situer sur une ligne de crête que la formule évangélique traduit ainsi : « Être dans le monde sans être du monde ». C’est-à-dire savoir être à l’écoute de notre monde avec sollicitude, bienveillance, souci de le comprendre et désir de le voir croître vers davantage d’humanité… tout en sachant également refuser ce qui défigure notre humanité, dénoncer ce qui opprime ou aliène, choisir au cœur de ce monde ce qui donne vie, espérance, joie, croissance, liberté. Nous exprimons dans nos Constitutions notre désir de « connaître et aimer le monde dans lequel nous vivons, travaillant à le rendre plus humain, pour le conduire davantage au Christ, tout en nous rappelant que nous ne sommes pas du monde » (n° 17).

S’ajuster dans la relation

Oui, s’adapter, dans ce sens-là, c’est chercher comment rejoindre l’autre dans ce qu’il vit, trouver un rythme de marche qui s’ajuste à celui que nous désirons rejoindre, comme le Christ aux côtés des disciples d’Emmaüs, écouter et discerner ce qui motive, donne vie, fait croître nos contemporains pour amplifier avec eux le mouvement de la vie, de la liberté, de la joie profonde.

S’adapter, alors, peut devenir s’ajuster dans la relation : faire l’expérience de l’écoute en profondeur qui me déplace, m’ouvre des horizons, me transforme, me sort de ma zone de confort pour rechercher activement une plus grande justesse dans la relation, l’accueil de l’altérité. C’est une expérience qui peut raboter, émonder… mais qui, si j’y consens pleinement, enrichit ma personnalité, ma culture, mon âme.

Je crois pouvoir dire que ces dernières années vécues en Côte d’Ivoire m’ont donné de vivre cette expérience. Dans mon travail, ma communauté, les relations de voisinage, il m’est régulièrement renvoyé avec humour que j’ai pris l’accent ivoirien ou certaines expressions du français ivoirien… Cela m’amuse car je ne m’en rends plus compte ! Peut-être est-ce un peu de cette expérience qui rejaillit de la sorte !

Discerner

L’expression de Claire Monestès résonne avec une autre parole qu’elle nous a laissée : « Être à la disposition de l’Esprit Saint, c’est là que réside la force des xavières ». L’adaptation ne consonne-t-elle pas alors avec cette image évangélique : « Le vent souffle où il veut, tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va » ? Nous le croyons, Dieu, par son Esprit, fait toutes choses nouvelles… Être à la disposition de l’Esprit Saint est le contraire de se laisser tourner et retourner comme une girouette car l’Esprit souffle en nos cœurs le mouvement unique de la vie, du choix de la vie et non de la mort. Il s’agit donc de demeurer en un discernement constant de ce qui nous conduit davantage à la vie, la liberté, la joie ; et c’est un combat, bien sûr, car d’autres forces nous traversent et nous entraînent vers d’autres pentes.

Ici comme ailleurs, les contretemps ne manquent jamais. Je vous partage une expérience forte, vécue en 2019 alors que je préparais avec des jeunes les JMJ d’Abobo : un rassemblement de trois jours avec une centaine de jeunes, sur le thème des JMJ de Panama. Un mois avant, j’ai attrapé la dengue et passé huit jours en clinique et trois semaines de convalescence… Que je le veuille ou non, il m’a fallu lâcher prise de l’organisation et faire confiance aux jeunes pour les derniers préparatifs ! Eh bien, je peux vous dire que ce fut une très belle édition des JMJ d’Abobo ! Une forme d’adaptation qui a porté de beaux et bons fruits !

Pour aller plus loin

Découvrez et faites connaître le parcours « Laissez-vous conduire par l’Esprit », pour découvrir les bases du discernement spirituel selon saint Ignace de Loyola !