Anne-Marie est bénévole dans la Maison Médicale Jeanne Garnier, à Paris, dédiée aux soins palliatifs. Elle témoigne de ce qu’elle observe et de ce dont elle prend peu à peu conscience dans cet univers où la vie, chaque jour, côtoie la mort.

Avec elle, La Xavière redit l’importance de développer les soins palliatifs avant de légiférer sur la fin de vie.

Je suis bénévole auprès de malades en soins palliatifs à la Maison Médicale Jeanne-Garnier. J’exerce ce bénévolat au sein de l’association non confessionnelle Accompagner Ici et Maintenant (AIM). Nous sommes environ 90 bénévoles ayant reçu une solide formation comme le prévoit la loi. Notre rôle est d’offrir une présence gratuite, à travers une écoute parfois silencieuse, pour établir une relation et signifier que la maladie concerne le malade en premier mais aussi la société.

Tous les vendredis matin, je retrouve mon équipe de bénévoles avant de me rendre dans le service qui m’est attitré. Chaque unité de soins comprend 13 chambres individuelles. Après avoir pris connaissance de la situation de chaque malade, j’ose frapper à telle ou telle porte pour demander à la personne si elle souhaite ou non une petite visite, si elle désire que je passe un peu de temps assise auprès d’elle. Certaines personnes refusent car ce n’est pas le moment pour elle. Chaque rencontre est singulière.

En fin de vie…

Au fil des années, je prends mieux conscience de ce qui se joue en fin de vie à l’approche de la mort. Certains malades traversent des crises d’angoisse existentielle, d’autres sont animés par la colère ou le déni de leur situation, d’autres encore font preuve de sérénité et d’apaisement, surtout quand leur douleur est bien prise en charge. La mort m’apparaît comme partie intégrante de la vie, comme un acte humain à poser en s’y préparant dès aujourd’hui. Combien de petites morts n’avons-nous pas à vivre dans la vie quotidienne !

Je pense à cette dame qui est restée plusieurs semaines à Jeanne Garnier. Au début, elle me recevait dans sa chambre comme si elle était à la maison en m’offrant une boisson qu’elle gardait dans son petit réfrigérateur. Nous échangions sur nos lectures préférées, je lui faisais aussi la lecture lorsque lire est devenu trop difficile pour elle. Elle savait qu’elle ne rentrerait pas chez elle. Elle prenait conscience de tout ce qu’elle avait à quitter, cela demandait du temps. Puis un jour, elle m’a fait un signe d’au revoir à la fin d’une messe de Noël et n’a plus voulu me recevoir. Elle se préparait à sa mort et voulait rester belle à notre regard.

Témoigner d’une fraternité

D’autres rencontres sont plus rapides, certains malades ne restant que quelques jours, parfois déjà inconscients. Les deniers instants sont toujours très émouvants. Je me demande toujours ce que je fais auprès d’une personne que je ne connais pas et dont je suis témoin du dernier souffle. Je suis là pour témoigner d’une fraternité qui n’a pas de frontière et pour rendre ces derniers instants tout simplement humains.

Pour aller plus loin

Revoyez l’émission En quête d’Esprit, diffusée sur la chaîne Cnews le 25 septembre.

Anne-Marie Aitken était invitée de cette émission consacrée au débat actuel sur l’euthanasie et le suicide assisté, aux côtés du Dr Alix de Bonnières et du philosophe Jacques Ricot.