Marie-Noël, xavière, est responsable de l’aumônerie de Jeanne Garnier, maison médicale dédiée aux soins palliatifs à Paris (15e).

Elle travaille avec une équipe de huit bénévoles et avec un prêtre, vicaire à la paroisse Saint Jean-Baptiste de Grenelle. A travers cette interview réalisée par Geneviève Roux, elle rend compte de son travail au service des patients et de leurs proches.

Marie-Noël, comment les malades qui entrent à Jeanne Garnier connaissent-ils l’existence de l’aumônerie ?

A leur arrivée les malades sont accueillis par les soignants et aussi par des bénévoles de l’association AIM (Accompagner Ici et Maintenant). Ceux-ci les informent de l’existence de la chapelle et de l’aumônerie. Si un malade désire rencontrer l’aumônerie sa demande nous est transmise soit par un soignant, soit par un bénévole ou un membre de la famille.
Ceux qui s’adressent à nous ne sont pas toujours catholiques. Il m’arrive de rencontrer des témoins de Jéhovah, des musulmans, des incroyants, des chrétiens d’autres confessions. Et je suis en lien avec des pasteurs, des imams et des rabbins de notre quartier que j’appelle lorsqu’un malade en fait la demande. Une occasion de manifester notre accueil d’autres frères croyants.

Comment se passe la première rencontre ?

Il s’agit d’abord d’établir la confiance par une écoute attentive et bienveillante. Faire connaissance avec la personne et son histoire, ses liens familiaux, entendre ses sa demande, son désir. Chaque rencontre est singulière. Pour moi, c’est toujours une « Visitation ».
Puis nous faisons part de ce qu’offre l’aumônerie .
• La messe est célébrée trois fois par semaine à la chapelle. Les malades peuvent y être conduits en fauteuil ou même dans leur lit. La messe est retransmise en direct sur les télévisions des chambres. Dans ce cas, un membre de l’aumônerie peut venir porter la communion si la personne le désire.
• Le sacrement des malades ou d’autres sacrements sont donnés par le prêtre à la demande du malade. Des baptêmes et même des mariages ont lieu parfois.
• Des temps avec le patient ou ses proches sous des formes diverses sont proposés au quotidien.

As-tu des relations avec les familles des malades ?

Bien sûr ! Cela fait partie de notre mission. Souvent les familles ont davantage besoin d’accompagnement que les malades eux-mêmes. Chaque famille a ses réactions face à ces moments difficiles.
Je me souviens de trois adolescentes que j’ai trouvées un jour en pleurs dans la chapelle : leur mère venait de mourir. J’ai allumé des lumignons et leur en ai donné deux à chacune. Puis je leur ai dit : en prenant le premier, dites avec vos mots votre colère et votre peine devant ce départ. Puis avec le second, dites merci pour votre maman, pour ce qu’elle vous a donné, pour ce qu’elle a été pour vous. Elles ont parlé et se sont un peu apaisées. C’était une manière de prier, peut-être pour la première fois de leur vie.

Je t’entends souvent parler de la « prière de départ » : de quoi s’agit-il ?

Nous l’appelons aussi l’Adieu au visage. Le moment où l’on ferme le cercueil avant de partir du funérarium est particulièrement difficile pour les proches. C’est un instant intime. Nous proposons à la famille un temps de prière autour du cercueil et nous le préparons avec elle. Après l’avoir écouté parler de la personne qui vient de mourir, de ses joies et de ses peines, de sa vie, nous proposons de choisir un texte de la Bible qui soit en résonnance avec ce qu’elle était ; par exemple, le psaume 22, les béatitudes, Mt 25, l’épître à Timothée : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. »  Nous proposons aussi des gestes, précieux surtout pour ceux qui n’arrivent pas à exprimer ce qu’ils ressentent.

Même bref, ce temps permet à chacun de dire adieu à celui dont le visage va disparaître à leurs yeux. Je me vois comme celle qui dit adieu à celui qui s’en va au nom de toute la Maison médicale, les soignants mais aussi les cuisiniers, les lingères, les secrétaires, les assistants sociaux…

Est-ce que l’aumônerie propose quelque chose pour le temps du deuil ?

Une fois par trimestre, la secrétaire d’AIM envoie une invitation à toutes les familles qui ont perdu un proche dans les trois mois précédents pour une « Messe des familles » qui a lieu un samedi matin. La célébration est préparée par l’aumônerie mais aussi avec la communauté des xavières qui réside sur place, et par des membres d’AIM. C’est un temps fort pour la Maison Médicale.

Pendant la messe, tous les prénoms des personnes décédées, dont un proche est présent ce jour-là, sont dits à haute voix et un lumignon est déposé sur un « arbre de lumière ». Le livre d’intentions de prière qui est placé en permanence à l’entrée de la chapelle est déposé au pied de l’autel dans la procession d’offrandes.

Pour ceux qui viennent, c’est comme un pèlerinage sur le lieu où leur proche a remis son dernier souffle. Un moment intense, un nouveau pas sur le chemin.

Pendant le verre de l’amitié qui suit cette messe, les bénévoles du  « pôle deuil » proposent une écoute à ceux qui le souhaitent. L’aumônerie reçoit souvent la visite de tel ou tel proche venu demander une messe, mettre un cierge près de la statue de la Vierge. C’est l’occasion d’un nouveau temps d’écoute et de prière.

arbre de lumière

Tu as parlé de la communauté de xavières qui réside sur place. Quel est son rôle ?

La communauté est en partenariat avec l’aumônerie. C’est un grand soutien pour moi, un lieu d’échange et de réflexion. Je ne suis pas seule. Elle participe aux liturgies en particulier à la messe du samedi (animation des chants, lectures, rédaction des intentions). Elle s’implique particulièrement dans les temps forts de l’année liturgique pour proposer des moments de prière ou de réflexion pour les soignants et le personnel.

Est-ce que l’aumônerie joue aussi un rôle auprès du personnel ?

Oui. Nous cherchons tous – chacun à notre place – à aider les malades dans cette étape ultime de leur vie. Les membres de l’aumônerie ont la leur, elle est complémentaire de celle des autres. Cela passe par des échanges multiples au quotidien : des transmissions, des questions, des gestes d’entraide, un sourire… J’essaie de partager les joies et les peines de chacun, espérant « qu’il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans mon cœur.» (Cf. Gaudium et Spes)