Le Carême, un temps pour devenir meilleur ? Dans un entretien croisé avec l’imam Kalilou Sylla, paru dans le journal La Croix de ce mercredi 14 février, Sr Juliette Ploquin débusque certains pièges qui nous attireraient vers des pratiques plus proches du développement personnel que d’une conversion véritable.

1 – Le sens du Carême

Le Carême est la période des quarante jours qui précèdent Pâques. Ce sont quarante jours de préparation, de jeûne, de conversion pour préparer son cœur à la plus grande fête des chrétiens, la résurrection du Christ. Au sens strict, le mercredi des Cendres et le Vendredi saint sont des jours de jeûne. Pendant le reste du Carême, nous sommes invités à nous priver de ce qui est superflu, et à porter une attention particulière à la vie spirituelle. Et nous essayons de nous tourner à la fois vers Dieu et vers l’autre, notamment les pauvres, malades ou souffrants.

2 – Être avec le Christ

Pendant le Carême, nous partons avec le Christ traverser ce qu’il a vécu : les quarante jours dans le désert, la Semaine sainte qui s’ouvre lorsque Jésus entre dans Jérusalem, puis nous faisons tout le parcours avec lui jusqu’à sa Passion, sa mort et sa résurrection. C’est une façon d’inscrire dans notre temps et dans notre chair le cœur de la foi chrétienne.

3 – La notion d’effort

Il peut y avoir une tendance chez les chrétiens à se dire que le Carême est uniquement spirituel, qu’on peut donc mettre de côté tous les efforts concrets. Sur ce sujet, les musulmans viennent nous interpeller. Voir des amis musulmans qui, eux, font le Ramadan sans la pudeur que nous avons parfois comme catholiques, interpelle les chrétiens qui peuvent se demander : « Et moi ? Qu’est-ce que c’est, mon Carême ? » Aujourd’hui, certains jeunes redécouvrent ce temps avec une soif de pratiques concrètes et parfois radicales : temps de Carême de 90 jours, jeûne d’alcool ou de viande, douches froides…

4 – S’abaisser pour progresser

Mais attention à ne pas chercher une forme de « virtuosité » religieuse ! Dans la foi chrétienne, pour progresser, il faut commencer par s’abaisser. Nous sommes invités à reconnaître nos péchés et à faire l’expérience de la dépendance totale à Dieu. La dimension de vertu morale – même si elle est présente – est secondaire… Quels que soient nos efforts, ce n’est pas nous qui nous sauvons, c’est le Christ qui nous sauve par sa mort et sa résurrection.

5 – Chercher à ce que le Christ vive en nous.

Être chrétien, c’est chercher à ce que le Christ vive en nous. Cela signifie mourir à soi-même et, en un sens, c’est l’opposé du développement personnel. Dans le développement personnel, on est soi-même son propre but : on va se ciseler un corps parfait, une âme forte, etc. Or ce qui est fondamental, c’est la relation à Dieu. Il est nécessaire de discerner ce qui est bon pour nous pour approfondir cette relation, et ne pas tomber dans la tentation de la toute-puissance ou de la maîtrise absolue. Parce que le Christ que nous suivons est tout-puissant, mais pas de la manière dont on l’imagine : c’est la toute-puissance de l’amour qui passe par l’humilité et le don de soi.

Article écrit à partir de l’entretien réalisé par Marguerite de Lasa et Héloïse de Neuville pour La Croix du 14 février 2024.

Emission sur KTO

Retrouvez Juliette Ploquin parmi les invités d’Etienne Loraillère ce vendredi 16 février à 20h35
pour l’émission « Sans langue de buis » dédiée au Carême.