Que ce soit pour des raisons climatiques, économiques ou politiques, nombreux sont ceux qui empruntent aujourd’hui les routes de la migration. Dans les pays où nous sommes, nos pas croisent les leurs. Pays de départ ou d’arrivée, ayant parfois emprunté nous-mêmes ce chemin, au-delà des chiffres anonymes des médias, la rencontre nous fait découvrir les visages de ces hommes et de ces femmes.

Quatre xavières témoignent de leurs expériences de migration ou de rencontre avec des migrants.

Stokpic - Pixabay
Séverine, en communauté à Yaoundé (Cameroun)

J’ai été moi-même migrante du fait de quitter mon pays, la République centrafricaine, pour le Cameroun. J’ai été accueillie au Centre Catholique Universitaire (CCU) de Yaoundé par le père Emmanuel Foro, jésuite. Cette expérience reste marquante pour moi : vivre en dehors de mon milieu habituel et dans un contexte risqué, voyager sur les routes avec des inconnus, vivre avec quelqu’un que je ne connaissais pas avant, découvrir une culture différente de la mienne, vivre dans la peur, celle de mourir seule à l’étranger ou de tomber malade loin de tout membre de ma famille…

Cette expérience m’a ouverte à une grande sensibilité, une compassion pour toutes les personnes qui vivent hors de leur zone de confort (milieu d’origine, famille). Et, ici au Cameroun, je pense à tous les anglophones qui ont quitté leur domicile pour regagner Yaoundé à cause de l’insécurité ; mais aussi ces jeunes anglophones que je rencontre dans le cadre de la pastorale et qui sont marqués par cette situation de guerre dans le Nord-ouest et le Sud-Ouest du pays. Je pense aussi à tout ce peuple du Nord-Ouest de la République centrafricaine qui s’est retrouvé au Sud dans la préfecture de la Lobaye, soit en quête d’une bonne terre de culture soit à cause des troubles militaro politique. Les débuts de cohabitation ne sont pas toujours faciles. Mais avec le temps, les gens finissent par s’intégrer.

Une autre chose qui m’a encore le plus marquée est d’entendre les réactions diverses que peuvent avoir certaines personnes du pays hôte : accueil et répulsion. Je me souviens des réactions de mes collègues à Abidjan : « Tu as quitté ton pays pour venir prendre notre place, disputer le peu de travail qui nous est destiné !» Ou encore, pour ce qui est du cas de Cameroun : « Les réfugiés centrafricains qui sont à l’est du pays sont venus nous envahir, et nous n’avons plus assez d’espace pour cultiver ! ». Tout ceci montre combien la migration peut être perçue comme une menace pour les habitants d’un pays. Pourtant, les migrants peuvent être aussi un levier économique dans le pays qui les accueille.

Espérons que les migrants soient davantage accueillis comme une richesse par les pays qui les accueillent.

Aurélie, en communauté à N’Djamena (Tchad)

Les Tchadiens aiment leur pays, et nombreux désirent y vivre. Cependant, plusieurs raisons mènent certains sur les chemins de la migration. Je pense :

  • aux étudiants, partis à l’étranger poursuivre leur formation du fait de forts manquements en ce domaine localement. Parmi eux, beaucoup désirent rentrer au Tchad mettre leurs compétences au service de leur pays. Cependant la réalité est différente : beaucoup de leurs aînés revenus avec des formations voient les portes de l’emploi leur rester closes. Des familles encouragent donc leurs jeunes à rester à l’étranger, et à s’inscrire ainsi dans un processus de migrations sur du long terme.
  • aux jeunes, désespérés par le manque d’emploi et la pauvreté, qui rêvent d’un avenir meilleur. Plusieurs prennent la route vers l’Europe, en passant par la Lybie. Parmi eux, nombreux sont ceux, capturés en cours de route, qui deviennent esclaves dans des mines ou des familles. Le rêve de migration prend fin parfois au Tchad même, et dans ces cas fait passer du rêve au cauchemar.
  • aux femmes, qui désirent que leurs filles ne soient pas excisées, contrairement aux habitudes de certaines familles. Certaines prennent alors la décision de chercher refuge avec leurs filles à l’étranger, décision difficile car ce départ est associé à une coupure familiale brutale, alors même que les relations pouvaient être bonnes.
Danièle, en communauté à La Rochelle

Je suis engagée comme bénévole à l’association Solidarité Migrants. C’est une initiative portée par des citoyens rochelais. J’accompagne deux familles, l’une arménienne et l’autre africaine. J’assure aussi des permanences pour l’accueil des « sans papiers » avec une autre bénévole.

Nos recevons des célibataires, des femmes seules avec ou sans enfant, et des familles provenant de l’Europe de l’Est, d’Afrique et de Chine.

Les demandes sont diverses : aide aux démarches administratives, accès à un hébergement, mais également besoin d’être accompagné et soutenu, car ils vivent au quotidien avec la peur d’être expulsés.

Les raisons de fuir leur pays ne manquent pas : misère, guerres, dictatures, discriminations, notamment en lien avec l’homosexualité et l’excision pour certains pays d’Afrique…

L’association agit sur tous les fronts possibles, afin que les sans-papiers bénéficient des protections auxquelles ils peuvent prétendre, notamment sur le plan juridique et médical, et aient accès à deux repas par jour, à l’éducation des enfants et à un toit. L’hébergement est un point crucial, en raison du manque de logements et de la crainte des propriétaires privés à se risquer dans ce type de location « illégale »malgré l’engagement de l’association.

Malgré les multiples obstacles, les accompagnants persévèrent et se soutiennent pour que les droits humains fondamentaux soient respectés, y compris lorsqu’ils ne sont pas garantis par la loi.

C’est une œuvre de longue haleine, un grain de sable dans ce désert, afin de construire à leurs côtés une société plus fraternelle et solidaire.

Marie-Noëlle, en communauté à Toronto (Canada)

Depuis sept ans, je suis bénévole dans l’association Romero House qui accueille des familles de demandeurs d’asile à leur arrivée au Canada en attendant que leur statut de réfugié soit accepté.

J’aide des enfants en français, certains sont trilingues. Depuis quatre ans, je suis en contact avec une famille de deux enfants venant d’Éthiopie, pays en guerre civile. Avec la pandémie, j’ai continué en visio toutes les semaines à pratiquer le français, par la lecture et le chant, et même prier car Naol et Méti sont chrétiens. Chaque rencontre se termine par un temps de prière et de silence pour dire merci et confier à Dieu nos joies et peines, puis nous disons le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie ».

Je reçois beaucoup de ces moments de prière ensemble.