NBLors de la rencontre internationale « Vie consacrée en communion » pour la clôture de l’année de la vie consacrée, le 31 janvier 2016, à Rome, Nathalie Becquart, xavière, directrice du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations à la Conférence des Évêques de France, a donné une conférence sur le thème de « La vie consacrée apostolique dans les cultures contemporaines : lieu de contemplation, de réflexion théologique et de formation à la miséricorde. »

Chers frères et sœurs,
Chers amis dans le Seigneur,
Chers religieux et religieuses apostoliques venus de tous les continents et réunis ici aujourd’hui.

Merci de m’accueillir, merci aux responsables du Dicastère pour leur confiance, pour leur audace même d’avoir pris le risque de me demander cette intervention autour de la vie consacrée apostolique dans les cultures contemporaines : lieu de contem­plation, de réflexion théologique et de formation à la miséricorde.

Je me sens vraiment très petite et impressionnée devant la tâche qui m’incombe de prendre la parole ce matin devant vous. Je ne pourrais le faire si je n’avais pas rencontré depuis l’enfance de très nombreux consacrés qui m’ont touchée, guidée, interpellée, formée, soutenue… Je suis redevable à tant d’hommes et de femmes de diverses congré­gations qui m’ont donné de découvrir quelque chose de la vie du Christ et m’ont ouvert des mondes. Depuis la religieuse qui m’a accueillie pour l’éveil à la foi jusqu’au pape François qui nous a donné ce cadeau d’une Année de la vie consacrée, sans oublier toutes mes sœurs Xavières qui m’ont intégrée dans leur corps apostolique et me supportent avec patience au quotidien ! Aussi, je ne puis mettre des mots sur l’expérience de la vie religieuse apostolique sans rendre grâce pour tous ces religieux(ses) rencontrés de visu ou à travers leurs écrits, qui m’ont marquée par leur fidélité, leur engagement, leur réflexion. Ils font de moi une héritière. Ils m’ont fait percevoir la diversité de la vie religieuse mais plus encore son fondement commun dans le Christ qui nous met d’emblée dans une fraternité universelle, une connivence d’expérience comme nous le vivons dans cette rencontre internationale.

La vie consacrée apostolique, pour moi, ce sont d’abord des visages. Ce sont vos visages habités par tant de situations humaines, façonnés par la prière, la vie communautaire et la mission dans des cultures et des environnements si variés. La vie religieuse apostolique que nous représentons, il me semble que c’est avant tout une aventure humaine, un concentré de vie, une densité d’expériences, un creuset de chemins singuliers façonnés par mille et un charismes. Et finalement une manière de vivre pour tenter d’exprimer et d’incarner au long de l’histoire le mystère d’un Dieu qui vient à la rencontre de l’homme… La vie religieuse apostolique, ce sont nos histoires d’hommes et de femmes appelés à tout donner, saisis au plus profond par l’amour de Dieu pour être envoyés dans le plein vent du monde au milieu de nos contemporains, en particulier les plus petits. Brûlés au cœur par le feu d’une Parole, assoiffés de Dieu, nous avons tout quitté et nous cherchons en tâtonnant comment devenir les mains, les yeux, les oreilles, la bouche, le corps du Ressuscité pour que « les hommes aient la vie et la vie en abondance » (Jn 10, 10).

Et pourtant il me faut donc déployer maintenant le sujet qui m’est imparti. Je l’ai reçu comme une invitation à réfléchir sur la vocation et les défis de la vie religieuse apostolique pour aujourd’hui. Religieux et religieuses apostoliques, appelés et envoyés dans des sociétés en plein bouleversement culturel et dans une Église en processus de conversion missionnaire, nous avons besoin de mettre des mots sur ce que nous vivons pour chercher ensemble comment avancer dans ce contexte contemporain souvent déroutant. Nous vivons un moment passionnant mais difficile, voire éprouvant. L’ampleur des changements technologiques et géopolitiques, l’accélération du temps, la révolution culturelle, anthropologique et sociale à l’œuvre nous invitent à plonger très profondément dans nos racines pour revenir à la source. Et par là à oser continuer à répondre avec audace aux appels du monde et de l’Église.

Cherchant comme vous à lire les signes des temps, nourrie par ma mission au Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations à la Conférence des Évêques de France, façonnée par l’écoute et la rencontre des jeunes mais aussi des aînés[1], mon intuition est que la vie consacrée apostolique est appelée aujourd’hui à un nouvel aggiornamento, peut-être aussi fort que celui qu’elle a vécu après Vatican II. Cet enjeu majeur d’une nécessaire réarticulation[2] de la vie religieuse apostolique avec une forme de culture contemporaine globalisée que je qualifie de « culture post-moderne numérique » m’apparaît comme un appel à une conversion radicale pour répondre aux nouveaux défis de ce monde pluriel et divisé. Un nouveau renouveau, nécessaire pour aller jusqu’au bout de la réception de Vatican II et de l’ecclésiologie de communion qu’il développe. C’est pourquoi il est bon de vivre cette clôture de l’Année de la vie consacrée comme un pèlerinage du Jubilé de la miséricorde. Pour expliciter cette invitation à penser et vivre un changement de paradigme, partagé par de nombreux acteurs ecclésiaux et auteurs spécialistes de la vie religieuse apostolique, je vous propose un parcours en trois parties inspirées des trois axes donnés par le pape François dans sa Lettre aux consacrés :

  1. Regarder le passé avec reconnaissance.
    D’où venons-nous ? Notre vocation, un chemin d’incarnation et de disponibilisation.
  1. Vivre le présent avec passion.
    Où sommes-nous ? Migration et navigation, un chemin de transformation et d’inculturation.
  1. Embrasser l’avenir avec espérance.
    Où allons-nous ? Défis pour la mission, un chemin de communion et de réconciliation.

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[1]« Chaque fois que nous cherchons à lire les signes des temps dans la réalité actuelle, il est opportun d’écouter les jeunes et les personnes âgées. Les deux sont l’espérance des peuples. Les personnes âgées apportent la mémoire et la sagesse de l’expérience, qui invite à ne pas répéter de façon stupide les mêmes erreurs que dans le passé. Les jeunes nous appellent à réveiller et à faire grandir l’espérance, parce qu’ils portent en eux les nouvelles tendances de l’humanité et nous ouvrent à l’avenir, de sorte que nous ne restions pas ancrés dans la nostalgie des structures et des habitudes qui ne sont plus porteuses de vie dans le monde actuel. » Pape François, La joie de l’Évangile, n° 108.

[2] J’emprunte cette expression à James Sweeney : « The essential argument pursued here is, firstly, that there is a need today for some fundamental re-articulation of religious life, whether or not that implies a radically new paradigm. » James Sweeney CP, « Religious life looks to its future », in Gemma Simonds CJ, A Future Full of Hope ? Liturgical Press 2013 p. 131