Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, enseignant d’histoire, Colette Hamza réagit et interroge sur ce crime commis au nom de Dieu.

Colette Hamza, xavière, est directrice de l’Institut de sciences et théologie des religions (ISTR) de Marseille et directrice adjointe du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM).

Il a été tué au nom de Dieu…
Son nom, Samuel, signifie Nom de Dieu …
Étrange ironie au cœur de cet acte horrible.

Mais de quel Dieu s’agit-il ?
De celui si petit, faible, impuissant qu’il ait besoin qu’on parle, hurle, tue en son nom, à sa place ?
Ou de Celui qui offre son Nom comme un chemin de Vie, un davantage, un supplément d’être ?

Samuel

Samuel était-il croyant ?
Il était avant tout un homme, un être humain unique et précieux.

Samuel était-il croyant ?
Oui… Peut-être pas en Dieu ou peut-être si…
En tout cas, il croyait en la dignité de tout être humain, en sa capacité à se tenir debout, libre, vivant. C’était le sens de son métier d’enseignant.

Samuel, son nom est un message, un désir d’exister en sortie de soi et non en repli sur soi. Samuel, un don de soi aux autres, à ces jeunes qui l’écoutaient avides d’être eux-mêmes, par eux-mêmes en recevant d’un autre un chemin à inventer.

Il était enseignant et il en est mort

Tué à cause de sa passion d’enseigner, de transmettre, sans retenir à soi, d’ouvrir des chemins, d’éclairer, de mettre en liberté des jeunes parfois liés par leurs certitudes ou celles inculquées par leur environnement médiatique, familial, culturel, religieux…

Il était enseignant et il en est mort.
A cause de cette vocation à faire advenir des hommes et des femmes libres.
Libres dans leur jugement, leur opinion, leur parole.

Il était enseignant d’histoire.
L’Histoire avec un grand H, terreau de notre aujourd’hui, à entendre, découvrir, relire et relier.
L’histoire, ces histoires singulières qui tissent nos identités, l’histoire de chacun en ses racines nécessaires à la croissance, l’histoire à envisager pour vivre son instant et construire demain.
Il était enseignant et il convoquait la mémoire, jusqu’ en ses blessures, l’intelligence qui aide à discerner, à choisir, à oser parler, débattre, critiquer, mettre des distances nécessaires pour sortir de l’affect et de l’immédiateté des jugements, et permet d’être libre.

Être libre.

Se croyait-il libre celui qui a volé sa vie ?
Aucune haine, ni violence, ne peut rendre libre.

Mais quelle rencontre a manqué pour faire emprunter le chemin de la fraternité ?
On n’est libre que dans la reconnaissance de soi conjuguée à celle d’un autre.
Reconnaissance reliée à un autre qui est la même chair mais qui vit, pense, parle, prie autrement et qui, par-là, élargit l’espace de notre tente, de nos enclos parfois très étroits, qu’ils soient religieux ou non.

Être libre, jusqu’au bout de ce que l’on pense, et croit, sans blesser ni offenser.
Oser bousculer, aller à contre-courant de la pensée unique, protester, s’indigner, dénoncer.
Être libre, c’est aussi mettre une garde à ses lèvres pour que ce droit inaliénable de la liberté n’entraîne pas la chute d’un seul petit.
Être libre est une attention de tous les instants.
Être libre est un art délicat pour soi et pour l’autre, en nos fragilités.

Colette Hamza

Communiqué du SNRM

Le Service National pour les Relations avec les Musulmans vient de publier un message :

« Liberté et Fraternité : il est temps ! »

Cliquez ici pour le lire.

Pour aller plus loin

Lire une interview  de Colette Hamza sur les enjeux du dialogue islamo-chrétien.