Les 3 et 4 novembre, les travaux de l’Assemblée plénière des évêques de France ont porté sur le thème: «Cultiver la terre et se nourrir». Comme l’an dernier, Geneviève Pavy a participé à cette rencontre sur l’écologie.
Ayant participé déjà l’an dernier à la rencontre sur l’écologie, à Lourdes avec les évêques, j’ai été sensible cette année, à deux grandes différences.
La première est liée aux thèmes des rencontres. Alors qu’en 2019 nous étions sur une première approche très générale de l’écologie, cette année la question est abordée d’un point de vue très spécifique, autour de l’agriculture et des agriculteurs et autour de la nourriture. Ces deux thèmes pour 2020 sont très liés mais le côté alimentation permet de rejoindre tout le monde, quelles que soient nos connaissances et notre rapport à la manière de cultiver la terre. Croiser les deux dimensions ouvre un horizon pour réfléchir et découvrir ce qui est aux portes de nos villes.
La seconde différence est liée à la manière dont nous avons vécu ces rencontres, en visio, du fait de l’impossibilité de se réunir à Lourdes vu les mesures sanitaires liées au COVID. Cela a permis de développer ce qui était déjà sous-jacent l’an dernier avec l’invitation de deux personnes par diocèse pour accompagner les évêques, à savoir le travail synodal.
Voici quelques éléments que je retiens de cette rencontre étalée sur le mois puisque nous avons eu 2 samedis matins supplémentaires pour échanger.
Des constats rappelés par l’un ou l’autre des intervenants : Régis Dubourg, directeur général de l’assemblée des Chambres d’agriculture, Gonthier, jeune agriculteur, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, Dominique Potier, agriculteur, député de Meurthe et Moselle :
800 millions de personnes ont faim dans le monde
20 à 30 kg d’alimentation par personne et par an sont jetés en France, dont 7 kg encore dans leur emballage
Le gaspillage est surtout à la production et à la consommation
En France la population agricole s’effondre : 27% de la population en 1949, 2.7% aujourd’hui dont 1/3 proche de la retraite.
On constate un changement dans les pratiques alimentaires.
L’agriculture intensive et industrielle a tué les sols.
Des convictions
Pas de santé pour l’homme sans la santé pour l’animal, pour les végétaux et pour le sol. Entretenir cela est la dignité de l’homme.
L’agriculture est à l’origine d’une partie des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui mais les agriculteurs sont au cœur de la solution. Ils sont passeurs de fertilité et en écho nous avons la phrase de l’offertoire : « fruit de la terre et du travail de l’homme. »
Des perspectives
Bonne nouvelle, la planète est capable de nourrir 10 milliards en 2050 mais à certaine conditions :
Pratiquer la justice foncière. Depuis 2010 un hectare sur deux échappe à la loi. Il y a accaparement des terres par certains, des sociétés foncières qui ne permettent pas l’installation des jeunes.
Pratiquer un commerce équitable, localement et à l’international, en respectant les lieux de production.
Pratiquer le juste prix avec une économie sociale, dans un esprit coopératif en supprimant l’oligarchie de la grande distribution.
Au niveau des territoires, développer des plans alimentaires pour produire, transformer et partager, en repérant les impacts sur la planète. Des expériences dans ce domaine ont été conduites avec ATD.
Entrer dans la transition écologique en modifiant les pratiques pour garder le sol vivant, en tenant compte du temps, en trouvant la voie médiane d’une nature alliée entre une nature sacralisée ou instrumentalisée. Retrouver la fertilité de la terre et la biodiversité.
Développer la collaboration entre la société en particulier urbaine et les agriculteurs.
Développer les circuits courts même s’ils ne couvriront que 50% de la demande.
Aider à la prise de conscience et garder la perspective de se nourrir ici mais aussi de partager et de permettre de se nourrir ailleurs.
Développer la responsabilité des consommateurs en ce qui concerne les achats (qualité, prix, origine) et le gaspillage.
La réflexion théologique de François Euvé, à partir de la Genèse :
Travailler n’est pas dans le sens d’une exploitation mais d’un service et un service qui a une couleur religieuse. La terre est donnée et elle porte en elle une force de vie.
Garder est de l’ordre de l’alliance et l’entrée du paradis est gardée non pour en interdire l’entrée mais pour maintenir l’ouverture.
« Dominez » a la même racine que Dominus, le Seigneur. Il s’agit de dominer à la manière de Dieu, pour préserver la fécondité de la terre en dominant la bestialité et la violence. Dieu met une limite à sa puissance créatrice en s’arrêtant le 7è jour. Sa Parole créatrice se tait pour laisser place à la parole de l’homme. Il nous passe le relais, nous donne la capacité de donner à notre tour, y compris à ceux qui ont le moins, aux plus pauvres dans la fraternité car tout est lié.
Le créé est beau, bon, suscité par une liberté créatrice, avec une spécificité pour l’homme créé à l’image de Dieu.
Le monde est fini, limité et tout est lié.
La Bonne Nouvelle c’est que la création est en vue du salut et c’est cela qui est source d’Espérance et nous avons à en témoigner.
Ce que j’ai apprécié du travail synodal, Bonne Nouvelle pour notre Église :
Les techniques proposées par l’université du Nous nous ont permis de nous retrouver en petits groupes de quelques personnes dans 50 salles virtuelles différentes, alors que l’an dernier les travaux de groupe même avec des techniques très participatives regroupaient une cinquantaine d’individus. Voilà déjà une manière de travailler qui permet des échanges plus grands en petits comités !
De plus les sujets des discussions de groupes n’étaient pas définis à l’avance et c’est ensemble que tous ceux qui souhaitaient aborder une question pouvaient la soumettre à l’assemblée. Une fois la liste des 45 thèmes établie, chacun choisissait en un clic la salle virtuelle où se rendre et y retrouvait les personnes intéressées par le même thème. Brassage assuré entre les territoires et les personnes ! Dans le groupe on retrouvait en général un bon panachage d’évêques, d’agriculteurs, de laïcs, de personnes ayant des engagements divers, originaires de diocèses plus ou moins ruraux ou de grandes villes… Ce fut une richesse incomparable pour les échanges.
Les comptes rendus centralisés ont permis d’établir un grand journal, consultable sur internet qui donnait les réflexions, partages, initiatives prises dans toute la France. C’est donc avec une foisonnante moisson que nous avons pu ensuite échanger et voir comment mettre en œuvre chez nous à Nice la nécessité de vivre une conversion écologique, tout particulièrement dans ces domaines de l’agriculture et de l’alimentation.
Geneviève Pavy
Pour aller plus loin
Les vidéos des différentes interventions de ces 2 jours d’assemblée sont disponibles sur cette chaîne youtube.
Dans le cadre de l’Assemblée plénière de novembre 2020 autour du thème “Cultiver la terre et se nourrir”, il est possible de vivre à distance un Forum Ouvert afin de travailler sur les initiatives locales existantes et de réfléchir à de nouvelles opportunités de façon dynamique et coopérative.