Chaque dimanche de l’Avent, Geneviève Roux nous propose de prier autour d’une œuvre d’art. Aujourd’hui, découvrons la Visitation peinte par Jacopo da Pontormo (1528).

« En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. » (Lc 1)

Pontormo — Courtesy of the parish of San Michele Arcangelo, Carmignano, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=74336254
Je regarde l’image

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Je suis d’abord saisi.e par les couleurs. L’alliance du vert Véronèse avec le rose, le vert amande, l’orangé… Des couleurs somptueuses sur fond de maisons grises et ocres.

Étonnement aussi devant les formes et les lignes : une abondance de courbes et de torsades. Un tournoiement qui se moque du réalisme des drapés.

Au premier plan, deux femmes aux formes pleines, aux hanches arrondies dans l’attente d’un enfant occupent presque tout l’espace de la toile. Elles se saisissent à pleins bras dans une grande proximité.

Mais que viennent faire au second plan ces deux visages féminins, l’un jeune et l’autre plus âgé ?

Étrange dédoublement : celles du premier plan, de profil, se regardent tandis que celles de l’arrière-plan nous dévisagent.

Je suis ému.e par l’échange intense qui se joue entre Marie et Élisabeth. Cette dernière saisit le bras de Marie qui, elle, a posé sa main sur son épaule. Elles sont si proches que Marie doit pouvoir sentir l’enfant tressaillir dans le ventre d’Elisabeth.

Elles se regardent, les yeux dans les yeux et c’est un instant d’éternité.

Chacune écoute ce qui se passe en elle. La parole viendra ensuite comme une reconnaissance mutuelle de ce que chacune a pressenti. Nous sommes à cet instant précis. Le temps est suspendu.

Mais en bas du tableau, le pied d’Elisabeth esquisse un pas de danse. La joie grave qui les habite toutes deux peut s’exprimer par une valse lente. L’invisible nous fait signe par une très discrète auréole  au-dessus de leurs têtes.

Et les deux visages qui nous font face nous invitent à entrer dans cette expérience spirituelle.

Je médite

C’est le visage d’Élisabeth que le peintre met en pleine lumière et qu’il m’invite à regarder en premier. C’est elle qui s’exclame : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? »

Et c’est sa parole qui va ouvrir la bouche de Marie. Elle qui n’a pu exprimer le secret trop lourd qu’elle portait depuis l’annonce de l’ange va chanter son Magnificat.

Dans ce tableau nous pouvons dire avec Paul Claudel que « l’œil écoute ». Il nous fait passer du visible à l’invisible.

Et me voici invité.e à me tenir au seuil du mystère de l’Incarnation. Dieu prend chair. C’est par nos corps, par nos mains, par nos yeux, par nos rencontres qu’il vient dans notre monde.

Vais-je entrer dans la danse de joie avec Élisabeth qui y entraine Marie ?