Le Pape François vient de promulguer une nouvelle constitution apostolique : Praedicate evangelium (Annoncez l’évangile). Joëlle Ferry, xavière et théologienne, nous présente ce texte majeur qui réforme la Curie.
Au service de l’évangile
Certains attendaient la promulgation de la Constitution apostolique sur la Curie romaine pour le 17 février, jour de la fête de la chaire de Pierre. C’est finalement le 19 mars, en la fête de saint Joseph, que le pape a choisi de publier ce document très important qui comprend 250 articles. Il est le fruit d’un long travail du pape avec le conseil des cardinaux (C 9) qu’il a institué dès son élection en 2013. Praedicate evangelium ne se veut pas un simple réajustement du gouvernement de l’Église, mais une réforme profonde de la Curie dont la mission n’est pas de contrôler mais d’être au service des évêques, c’est-à-dire au service de l’Évangile comme l’indique le titre : prêchez l’Évangile.
Les principaux points de cette constitution apostolique
La curie romaine est définie comme un organe de gouvernement au service de l’Église et du monde, pour concourir à une évangélisation active. L’évangélisation est la ligne directrice de la réforme.
Les différents dicastères sont réorganisés : 9 congrégations et 12 conseils pontificaux deviennent 16 dicastères. La congrégation pour l’évangélisation des peuples et le conseil pour la nouvelle évangélisation sont fusionnés pour constituer le premier dicastère présidé par le pape lui-même. Le dicastère pour la doctrine de la foi est en 2ème position, ce qui indique clairement que la mission de l’Église est d’abord l’évangélisation, et non la doctrine. Un nouveau dicastère créé « au service de la charité » met en valeur la miséricorde et le service des pauvres, comme le pape l’a si souvent manifesté dans ses paroles et ses actes.
La réforme institue des modifications importantes : la durée des mandats des responsables de la Curie est de 5 ans, renouvelables une fois. Après, chacun doit retourner dans son diocèse. On ne fait plus carrière à la Curie ! Des laïcs, hommes et femmes, au titre de leur baptême, peuvent être responsables de dicastère. Il n’est donc plus nécessaire d’être cardinal pour être préfet.
Décentralisation et pouvoir du Pape
Cette constitution allie une saine décentralisation à un grand pouvoir du pape. Le rôle des conférences épiscopales est valorisé : leurs avis seront bien davantage sollicités, dans une mise en œuvre de la synodalité. Le pouvoir du pape est renforcé : il doit désormais approuver lui-même une grande partie des textes émanant de la Curie. Si le pape consulte beaucoup, il décide seul. Son mode de gouvernement est jésuite !
Un changement de culture qui continue
Ce changement de culture a déjà été engagé par le pape François ces dernières années avec des nominations de laïcs, hommes et femmes, à des postes de sous-secrétaires, la réorganisation de la congrégation pour la doctrine de la foi, avec son double versant doctrinal et disciplinaire. Le rôle du Synode des évêques, avec les nombreuses consultations habituelles pour chaque synode, s’est progressivement renforcé.
Le pape dispose ainsi officiellement de trois institutions principales pour gouverner : la Curie, le Synode, et le conseil des cardinaux.
La réception de tels changements et la mise en œuvre d’une réforme si profonde vont demander du temps et de l’énergie, en même temps qu’éveiller beaucoup de dynamisme dans l’Église.