Christine Danel fait partie des experts facilitateurs nommés au synode, qui se tient actuellement à Rome. Elle retrace pour nous la démarche de ce grand événement ecclésial et elle nous partage ses impressions après la première semaine de travail.

Le synode, une démarche de longue  haleine

Le mot synode veut dire « marcher ensemble ». Il a commencé en octobre 2021 avec une première phase qui impliquait tout le peuple de Dieu (première nouveauté). Chaque chrétien, mais aussi des personnes loin de l’Église, les diocèses, paroisses, étaient invités à exprimer leurs rêves, attentes, espérances pour l’Église. Des synthèses diocésaines ont été collectées, puis des rencontres nationales l’an dernier en 2022.

Toutes ces synthèses nationales ont été envoyées au Secrétariat du Synode pour aboutir à un texte, lui-même discuté dans des rencontres continentales (Europe, Asie, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Moyen Orient, Afrique, Océanie) au cours de l’année qui vient de s’écouler. Les comptes rendus de ces rencontres ont été à nouveau envoyés au Secrétariat du Synode, qui a rédigé avec toute une équipe un document de travail, l’Intrumentum laboris. Ce document, envoyé à tous en juin dernier, est la base du travail de l’actuelle rencontre.

Dans ce document se trouvent des éléments sur ce que signifie une Église synodale, où l’égale dignité de chaque baptisé est remise en valeur. D’autres questions sont remontées de tout le peuple de Dieu : la place des plus pauvres, des cultures locales, la place des femmes, la question des ministères ordonnés, comment donner la place à chacun dans l’Église, et en particulier des plus éloignés ou marginalisés…

Des convergences fortes

Ce qui est très intéressant, c’est de voir les convergences qui émergent de tous les continents. Les questions posées dans ce document de travail sont vraiment le fruit des échanges entre divers membres du Peuple de Dieu pour voir les problèmes concrets qui se posent. Il s’agit de prendre du temps pour en discuter ensemble, un peu à l’image des premiers chrétiens lors du premier concile de Jérusalem. Ils ne savaient pas comment se positionner par rapport à la circoncision des païens convertis et se sont retrouvés pour en parler et décider de ce qu’il fallait faire (Ac 15).

Après cette assemblée, il y aura du temps pour retravailler ces questions. En effet une deuxième session est prévue en octobre 2024.

L’assemblée du synode

Quelle est la composition de l’actuelle assemblée ? Elle est majoritairement composée d’évêques et de cardinaux (75%), élus par leurs pairs pour les représenter à ce synode (environ 250). Ils viennent des pays du monde entier (y compris deux de Chine). C’est bien une assemblée du synode des évêques. Cependant le Pape François a souhaité intégrer des membres laïcs et religieux, hommes et femmes, pour élargir la réflexion et leur donner « voix au Chapitre ». Ils sont 70, dont la moitié de femmes, venant là aussi de tous les continents, dont des jeunes (une quinzaine de mois de 35 ans).

En France, il y a 4 représentants évêques, un cardinal et une laïque consacrée.

D’autres membres ont été nommés. Des experts théologiens au nombre de 28 (il y aussi des théologiens parmi les membres) et 36 experts facilitateurs (dont je fais partie).

La méthodologie

La méthode est faite pour s’écouter beaucoup, en petits et grands groupes, écouter les autres pour écouter l‘Esprit afin de discerner ce que Dieu attend de son Église. Ceci a commencé par une grande et belle prière sur la place St Pierre.

La prière « Together » a eu lieu sur la place St Pierre le 30 septembre, organisée par la communauté de Taizé en lien avec Nathalie Becquart, et une équipe. Des responsables de toutes les Églises chrétiennes, en présence du Pape et de nombreux jeunes, ont prié pour la sauvegarde de la création, avec des passages de l’Écriture, des témoignages, une mise en scène de la parabole du Bon Samaritain… C’était une magnifique liturgie, dans une ambiance très recueillie.

Pour permettre aux participants d’entrer dans ce climat de prière, les participants ont commencé par trois jours de retraite dans un lieu silencieux et éloigné de Rome, à Sacrofano. Le Père Timothy Radcliffe (ancien supérieur Général des Dominicains) a donné des interventions très intéressantes, larges et spirituelles, tout en prenant des exemples concrets permettant à tous les participants de se sentir concernés.

Les conversations dans l’Esprit

Chaque après-midi, les participants étaient invités à faire l’expérience des « conversations dans l’Esprit ». Par groupe d’une dizaine de personnes, après un temps de silence et de prière, ensemble, chaque participant était invité à partager ce qui l’avait touché dans les médiations du matin. Dans un 2e tour d’écoute, chacun reprenait ce qui l’avait touché dans le partage des autres. Puis dans un 3e tour ce que l’on retenait. Le rôle des facilitateurs (dont je fais partie) était d’accompagner ce temps de conversation en aidant à respecter le cadre.

Ce climat a permis des échanges très profonds, et d’entendre les réalités de chacun, parfois bien douloureuses, dans un climat de fraternité et de confiance mutuelle. Une joie palpable car chacun s’est senti écouté, respecté, accueilli tel qu’il est comme personne, laïc comme évêque, cardinal, ou responsables d’autres Églises !

L’ouverture du synode

Puis nous avons eu l’ouverture du synode par une messe solennelle sur la place St Pierre, où les membres laïcs du synode étaient dans la procession d’entrée avec les évêques et cardinaux, une nouveauté pour les liturges romains !

L’après-midi, le synode a démarré en présence du Pape dans la Aula Paul VI, avec une procession de la Parole de Dieu au milieu des membres, symbole du Christ dont on cherche à se mettre à l’écoute dans ce processus.

Vous avez certainement vu sur des photos la disposition des tables. Il y a 36 tables de 10 à 12 personnes autour de la table des présidents de séances, du pape et des responsables du secrétariat du Synode (dont Nathalie Becquart).

Cette disposition par tables permet un travail en groupe, par langue (anglais, français, espagnol, italien, portugais). Les groupes anglophones sont plus délicats, car pour beaucoup, ce n’est pas leur langue d’origine.

Nous avons commencé à travailler sur la première partie du document de travail, sur ce que veut dire une église synodale, en partageant sur les expériences de chacun. Après présentation, nous avons entendu les partages sous le mode de la conversation décrite plus haut. Le lendemain, les retours de tous les groupes, puis des interventions individuelles étaient ponctuées de temps de silence pour favoriser l’intériorisation.

Le pape était présent pendant toute cette journée, très à l’écoute. Il est même venu en avance, permettant aux membres du synode de venir le saluer !

La demi journée suivante, nous nous sommes repartis en petits groupes pour permettre la finalisation de la contribution des groupes. Cette façon de procéder permet vraiment l’écoute de chacun et c’est très beau à voir. En effet, dans notre groupe francophone, il y avait 12 nationalités ! Québec, Liban, Seychelles, Belgique, Allemagne, Togo, Seychelles, France, Nigeria, Guinée Conakry, Cameroun ! La composition des groupes change en fonction des thèmes abordés, et permet un brassage des échanges et des partages. Une belle richesse d’expérience !