Marie-Thérèse vit en foyer logement à Créteil. Elle partage la manière dont elle vit sa mission en ce temps de pandémie.

Confinée dans mon foyer logement pour personnes âgées, je vis le quotidien de proximité, à l’écoute de ce qui se vit ici.

De semaine en semaine, je vois l’angoisse, voire l’agressivité monter, même si nous avons la possibilité se sortir une heure selon les prescriptions. Le personnel est vraiment attentif, mettant à notre portée des commandes alimentaires groupées au magasin tout proche et nous protégeant, demandant des nouvelles.

Il m’a fallu une semaine pour trouver mon rythme et mes nouveaux repères. Aujourd’hui, je pense que cela est installé entre temps de prière, écoute téléphonique, mails, écriture, lecture..

Il m’a aussi fallu inventer une autre forme d’accompagnement avec mon groupe des Fous d’Art Solidaires, qui se retrouvait tous les mercredis au Secours catholique pour la création d’un film sur leurs passions. Bien sûr, il y a eu les nombreux premiers coups de fil (bravo la wifi pou ceux qui n’ont pas d’unités ! ) avec Brahim, Adama, mauritaniens, Karim, très malade suivi en CMP, Assitan, du Mali, Thierno, Mamadou, Alpha, tous les trois de Guinée Konakry qui ont fait le parcours du combattant y compris en zodiaque, Mohammed, marocain, Philippe, camerounais. La plupart vivent en centre d’hébergement, chez des amis ou en chambre d’hôtel sans argent pour certains et tous sans papier.

Je remarque que des blessures et des peurs se sont rouvertes : il est à nouveau question de survie pour eux. Les premiers contacts m’ont permis de percevoir une sidération. Dans un premier temps j’ai laissé la plainte et la souffrance s’exprimer sans que je trouve de solution. Puis jour après jour un dialogue s’est instauré sur whatsapp et un journal de bord se constitue. Chaque jour je leur mets un message et ils commencent à réagir et à apporter leur pierre. Ceux qui commençaient à suivre des cours de français se remettent à travailler et se risquent à écrire quelques mots même s’ils ne savent pas encore manier la séparation des mots. Jean qui leur faisait, depuis octobre, une formation à la parole publique et Olivier, le cinéaste, participent à ces échanges. Peu à peu la parole s’enrichit et certains se risquent à communiquer à plusieurs via une application : besoin de se voir, de s’entendre, de ne pas se sentir seuls. Personnellement, je privilégie la parole individuelle par téléphone.

Ma mission continue dans ce concret de la pandémie et je n’ai jamais ressenti avec autant d’insistance de devoir vivre les orientations de notre dernier Chapitre Général : vivre l’hospitailté, prendre soin, consoler. Il y a de quoi faire ! Mais cela me comble de joie !